A la veille de sa fermeture pour travaux, le Grand Palais à Paris invite le chorégraphe et ses danseurs et danseuses le temps d’une Ronde. Un spectacle diffusé en mars sur France Télévisions.
En cette fin novembre, Paris vit toujours sous cloche, confinement oblige. Si les environs du Grand Palais sont vides de promeneur·euses, sous sa verrière s’agitent une dizaine de danseur·euses et performeur·euses. On répète La Ronde, projet un peu fou initié par Boris Charmatz à la demande de Chris Dercon, directeur de la Réunion des musées nationaux. Les deux hommes s’étaient croisés le temps d’une pièce, 10 000 Gestes, créée dans un des hangars désaffectés de l’aéroport de Tempelhof à Berlin en 2017. Déjà ce goût des espaces hors normes – et pour le coup chargé d’histoire. Dercon dirigeait alors la Volksbühne dans la capitale allemande, une expérience qui tournera court.
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A la veille de la fermeture pour de longs mois du Grand Palais parisien, il s’agit d’offrir une dernière danse à cet espace grandiose. Plus qu’un défi… La Ronde, dont la lointaine source d’inspiration serait le livre éponyme de l’Autrichien Arthur Schnitzler, fait se télescoper une douzaine de couples de danseur·euses.
Chacun·e avec son·sa partenaire, puis le temps d’un passage de relais avec un·e autre. D’Anne Teresa De Keersmaeker à Salia Sanou, d’Axel Ibot à Letizia Galloni, tous·tes deux de l’Opéra de Paris, c’est un geste continu où les pas de Don Quichotte “répondent” à un hommage au Café Müller de Pina Bausch ou à des paroles extraites du film Amour de Michael Haneke… voire à un extrait de Dirty Dancing ! Justement, Marlène Saldana, l’une des actrices favorites de Christophe Honoré, se lance dans un duo très musical avec le danseur américain Frank Willens.
Des tests antigéniques avant chaque répétition
Entre la danse de salon et l’acrobatie, le couple détonne dans cette relecture du tube pop de Dirty Dancing. C’est tout le plaisir de La Ronde, mélanger les genres sans distinction. A une époque où la culture chorégraphique se fait autant sur internet qu’en salles, ce brassage des styles fait florès. Certain·es le déplorent, d’autres l’encouragent. Dans le Grand Palais, ce dimanche-là, il faut bien quelques gestes empruntés à l’Américain William Forsythe et son hit In the Middle, Somewhat Elevated pour changer l’atmosphère.
>> A lire aussi : notre portrait de Boris Charmatz, le chorégraphe qui voulait “artiser” l’espace public
Le lieu n’est pas chauffé, le timide soleil suffit à peine à faire grimper le thermomètre. Sous nos yeux, c’est néanmoins brillant. Clément Deliaux, venu de L’Oiseau-Mouche, une troupe d’interprètes en situation de handicap mental, entame un pas de deux avec Raphaëlle Delaunay. Avant de continuer la ronde avec d’autres.
L’immensité du lieu rend paradoxalement chaque geste émouvant. Boris Charmatz laisse filer, conscient de la fragilité de ces premiers pas ; il faut encore caler les enchaînements. Avant chaque répétition, on aura pratiqué des tests antigéniques, devenus une routine comme une autre. Réunir les interprètes s’avère un autre casse-tête. Jusqu’au bout, les protagonistes ont espéré danser en public. Ce ne sera pas possible. A la place, ils danseront pour les caméras ce 16 janvier.
Comme beaucoup, Charmatz a navigué cette année à vue, et son Portrait au Festival d’Automne n’en a été que plus compliqué. La Ronde, ce jour-là, continue pourtant avec grâce : François Chaignaud, danseur de l’extrême, a chaussé ses pointes de danse et arpente le centre du bâtiment. Le musicien Médéric Collignon l’accompagne à la trompette. Soudain, la température monte de quelques degrés. La petite foule applaudit. A cet instant, Paris est presque redevenu une fête.
La Ronde de Boris Charmatz. Le 16 janvier, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris, Grand Palais, Paris. Diffusion en mars sur France Télévisions
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