Le western et le polar brillamment revisités dans cette réédition du premier livre du duo Mezzo et Pirus.
Une voiture, aux trois occupants blessés, file à toute vitesse sur une route déserte et se crashe dans la poussière. Les énigmatiques et impressionnantes premières pages des Désarmés donnent la mesure de la tragédie qui est en train de se dérouler.
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Le récit enchaîne sur un flash-back. Baby Jack, un représentant en livres sans envergure ni succès, revient dans sa ville natale avec l’idée peu brillante d’en braquer la banque. Il rêve d’offrir un peu d’argent à son frère et à sa mère, pour améliorer leur quotidien. Mais son arrivée et le hold-up sèment la panique chez le shérif véreux, la mafia locale et la propre mère de Baby Jack, eux-mêmes justement en train de préparer un casse.
Film noir et western moderne
Première collaboration du duo Mezzo et Pirus, auteurs du Roi des mouches, Les Désarmés avait été publié en deux volumes au début des années 90, mais c’est une version totalement retravaillée et complète qui paraît aujourd’hui. Mezzo et Pirus y revisitent magistralement le film noir et le western moderne.
Au fil d’une intrigue habile qui ménage suspense et tension, ils disséminent de nombreux archétypes de la mythologie cinématographique américaine. Anti-héros losers, bourrés d’angoisses et de névroses, personnage féminin ambigu et sulfureux, solidarité fraternelle, rivalités entre seconds couteaux pour la succession du parrain, relation mère-fils trouble, chausse-trappes, fusillades, appât du gain, obsession pour les chevaux, hôtel sordide… rien ne manque à cette dramatique et fulgurante odyssée.
[attachment id=298]Ce récit inquiétant et efficace se déroule également suivant un découpage très sophistiqué, dont les nombreux flash-backs évoquent L’Ultime Razzia de Kubrick. Aux moments de faux calme succèdent des scènes d’action rapides et brutales. Mezzo et Pirus excellent à évoquer les immensités désertiques comme à représenter les rues poussiéreuses, les stations service et autres décors peuplant l’imaginaire du Grand Ouest américain. Beaucoup plus crépusculaires que dans la version d’origine, les couleurs contribuent à épaissir l’atmosphère, à rendre les relations poisseuses.
A la manière d’un Sam Peckinpah, Mezzo et Pirus cadrent au plus près des personnages expressifs dont les chairs dessinées comme si elles étaient à vif révèlent combien ils sont à bout de nerfs. Malgré les grands espaces dans lesquels ils évoluent, les protagonistes sont enfermés dans un huis clos tragique et sans issue, dans la grande tradition du film noir. Et l’on se prend à espérer avec eux que l’échappatoire se trouve de l’autre côté du Rio Grande.
Les Désarmés (Glénat/Drugstore), 100 pages, 22€
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