Dans un Miami en toc ressuscité des 90’s, les flics de choc que l’on n’attendait pas spécialement reprennent du service. Un buddy movie classique porté l’enthousiasme communicatif de ses réalisateurs.
La machine à suites turbine à plein gaz ces derniers temps à Hollywood, et on s’amuse de la voir désormais jeter son dévolu sur certaines des plus ringardes des franchises des années 1980 et 1990, augurant un grand retour de cette espèce de kitsch solaire qui précéda, à la fin du siècle dernier, l’avènement de l’ère du blockbuster ténébreux à la Nolan (on schématise).
Ce retour, c’est donc celui de Top Gun (sortie prévue en juillet), de Space Jam (en production, avec LeBron James à la place de Michael Jordan), des films d’Eddie Murphy (qui enchaîne les suites d’Un prince à New York et du Flic de Beverly Hills) et d’un titre auquel on n’avait plus pensé depuis une petite dizaine d’années : Bad Boys.
La tête brûlée et la poule mouillée
C’est avec ce buddy cop movie noir, fondé sur le bon vieux principe d’adjonction d’une tête brûlée (Will Smith) et d’une poule mouillée (Martin Lawrence), que commença en 1995 la carrière d’un certain Michael Bay, qui en réalisera la suite quatre ans plus tard (il ne signe pas celui-ci mais se fend du petit caméo de rigueur). Et ce troisième volet démarre en semblant sortir décor et personnages d’une capsule temporelle, comme si le Miami 90’s, ses belles bagnoles, ses flics en chemisette et ses speedboats avaient passé les vingt dernières années sous une cloche de verre en attendant que l’usine à reboots s’intéresse à nouveau à eux.
Le temps a affecté les héros (Smith se teint le bouc et Lawrence, désormais grand-père, s’est généreusement empâté), mais pas du tout les intrigues : il s’agit de neutraliser un gang familial, lancé dans une série de meurtres vengeurs visant les responsables de l’arrestation de leur boss et patriarche – parmi lesquels Will Smith, évidemment.
On a déjà pas mal vu ça, et notamment dans plusieurs épisodes de PJ, or il y a justement quelque chose d’assez joyeux à voir un late sequel se désintéresser totalement de la quincaille méta associée à ce type de projets (fantômes du passé, incompréhension face à un monde qui a changé, etc.), au profit d’une inconsistance sans chichis. Tout au plus la suggestion d’une filiation à Will Smith, réelle ou simplement ressentie, puisque c’est un petit sosie de vingt ans son cadet qui s’occupe de le traquer, qui place le film au rebond de Gemini Man, dont il peut faire office de remake nanardeux.
C’est à la mise en scène que quelque chose de moins (en tout cas de différemment) formaté se trame, grâce à la touche d’Adil & Bilall. La success story du jeune tandem belge ne cesse de croître depuis leur révélation en 2015 avec leur actioner fait maison sur les guerres de gangs bruxelloises, Black. L’excitation de se voir confier les clés du cinéma d’action US qui a bercé leur enfance est communicative : l’envie de bien faire transpire de ces plans longs, mobiles et spectaculaires, qui fleurent bon le cœur à l’ouvrage, le refus d’une action trop confuse et paresseuse, le digne effort des petits nouveaux (et ne cachent d’ailleurs pas tout à fait assez le travail, mais c’est pardonné). Ils n’ont pas fini de faire leur beurre de cette nouvelle ère de reboots décomplexés : c’est à eux qu’on a confié la suite du Flic de Beverly Hills.
Bad Boys for Life d’Adil El Arbi et Bilall Fallah, avec Will Smith, Martin Lawrence (É.-U., 2019, 2h04)