Un thriller politico-religieux confronte un gourou charismatique à notre monde saturé d’informations et à une enquêtrice pugnace. Ambitieux, parfois trop.
Lorsque les apôtres se réunissent à l’annonce de la résurrection du Christ, Thomas se montre dubitatif. Il a besoin de voir le corps de Jésus et de toucher ses plaies, d’éprouver le réel par un regard actif et un geste sensible. Fixé dans une des toiles les plus célèbres du Caravage, cet épisode biblique formule le questionnement au cœur de Messiah : de quelles preuves aurait-on besoin aujourd’hui, dans un monde saturé d’informations et d’images manipulables, pour attester l’authenticité d’un miracle ?
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Des miracles, ou des mirages, la série créée par Michael Petroni en délivre à la pelle, dans le sillage du personnage interprété par Mehdi Dehbi. Après avoir vaincu l’Etat islamique en Syrie et mené une colonne de fidèles jusqu’à la frontière israélienne, celui qui s’est autoproclamé fils de Dieu est apparu dans une petite ville du Texas, debout au milieu d’une tornade. Pour l’agente de la CIA Eva Geller et l’officier israélien Aviram Dahan, cette figure charismatique est un usurpateur capable d’ébranler l’ordre mondial.
“Messiah” prend soin de brouiller les pistes
Avant même qu’il ne rencontre les spectateurs, le messager divin avait cristallisé des tensions dans le monde réel : accusée par une pétition de constituer un « doigt d’honneur à la religion musulmane », la série a été interdite de diffusion en Jordanie, qui avait pourtant accueilli une partie du tournage.
Messiah est-elle vraiment une œuvre polémique ? Si elle se risque à piquer certains nœuds de son intrigue sur des points de tension de la géopolitique contemporaine, elle prend soin de brouiller les pistes concernant l’obédience de son gourou. Et si on peut difficilement nier la force de certaines des images qu’elle convoque (des soldats israéliens pointant leurs armes sur des réfugiés ou des enfants migrants enfermés dans des cages à la frontière américano-mexicaine), elles sont évidées de leur charge politique par une intrigue qui s’applique à renvoyer les factions dos à dos, à taper sur tout le monde pour ne froisser personne.
C’est grâce à son personnage d’agente solitaire que Messiah trouve finalement son équilibre précaire
Messiah est-elle, au moins, une série addictive ? Il faut certes reconnaître à ses scénaristes l’originalité d’un concept propre à nourrir la curiosité du spectateur sur la durée. Ce suspense est hélas embaumé dans une mise en scène platement illustrative, qui échoue à attiser la moindre étincelle métaphysique comme à questionner les régimes de figuration et d’instrumentalisation contemporains de la foi.
On était en droit d’en attendre plus de James McTeigue, réalisateur principal de la série auquel on doit une adaptation de V pour Vendetta magnétisée par un leader ambigu rompu à la manipulation des foules.
C’est grâce à son personnage d’agente solitaire et pugnace incarné par Michelle Monaghan, cousine secrète de la Carrie Mathison de Homeland, que Messiah trouve finalement son équilibre précaire. Relais du spectateur dont elle partage l’incrédulité initiale et, peut-être, le désir inconscient de transcendance, elle poursuit à travers les épisodes une trajectoire intime aussi complexe qu’émouvante, et vole la vedette à un Messie un peu creux.
Messiah disponible sur Netflix
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