Indomptable aventurière de la chanson française, Brigitte Fontaine resurgit avec un très intense nouvel album, à la fois électrique, poétique et chaotique.
Ayant désormais atteint un âge tout à fait vénérable, Brigitte Fontaine ne s’assoupit pas sur ses lauriers – aussi luxuriants soient-ils – et ne s’assagit pas davantage. Une preuve (dé) flagrante en est fournie par Terre neuve, implosif nouvel album dont le souffle fiévreux déclenche de puissantes turbulences et, jusque dans ses excès, balaie toute forme de réticence. Plus de cinquante ans après Comme à la radio (1969), son légendaire et incendiaire disque enregistré avec l’Art Ensemble of Chicago, la grande dame indigne de la chanson française se révèle ici plus frondeuse et impétueuse que jamais.
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Comme son titre le suggère, Terre neuve prend la forme d’une traversée vers l’inconnu, fondée sur un virulent désir d’exploration et d’expérimentation. “Au fur et à mesure de la réalisation de l’album, j’ai pris conscience qu’il s’agissait vraiment de ça : tendre vers quelque chose de différent, partir à l’aventure, découvrir du nouveau”, nous explique-t-elle.
Un album (comme toujours) absolument hors norme
Absolument hors norme, l’album contient dix-sept morceaux au format et à la durée très variables : longues échappées chaotiques, brefs interludes caustiques ou imparables comptines sardoniques. Il a été enregistré en 2019, en deux sessions, dans le prestigieux studio bruxellois ICP, qui a vu (et entendu) passer entre ses murs maintes sommités – de Charles Aznavour à Pharrell Williams en passant par The Cure, dEUS, Front 242, Lady Gaga, Michel Polnareff, Benjamin Biolay ou Suede.
Brigitte Fontaine a ici pour principal partenaire de jeu le guitariste Yan Péchin, qui l’accompagne sur scène depuis près de quinze ans et qui, entre autres nombreuses collaborations, œuvra aussi pour Alain Bashung entre 2001 et 2009. “Yan Péchin est un inventeur et un aventurier, commente Brigitte Fontaine. Il va de l’avant, comme moi. Nous sommes parfaitement soudés.”
Ensemble, en synergie étroite avec l’ingénieur du son et producteur Jean Lamoot, ils délivrent une musique anguleuse et tumultueuse, portée en premier lieu par les plaintes crépitantes et obsédantes de guitares (très) électriques – lesquelles ne sont pas sans rappeler l’album Kekeland (2001), sur lequel Sonic Youth avait apposé une griffe acérée.
Reprises et transfigurées avec éclat, deux anciennes chansons
Des parties rythmiques, parfois aussi des arrangements de cordes (signés Jeff Assy), s’intègrent à certaines chansons et leur confèrent une foudroyante amplitude sonore.
Rauque et abyssale, inimitable et indomptable, la voix de Brigitte Fontaine se déploie dans cet intense univers musical avec une maestria ensorcelante. Semblant jaillir, souveraine, du fond de noirs océans, elle déclame en mode parlé-chanté, de cris en chuchotements, des paroles souvent mordantes, toujours saisissantes, d’une totale liberté de ton.
Reprises et transfigurées avec éclat, deux anciennes chansons (Les Beaux Animaux et Ragilia) se mêlent aux nouvelles, parmi lesquelles frappent en particulier J’irai pas, stridente déclaration d’insoumission, Haute Sécurité, superbe autoportrait à cœur ouvert, Blues Kenavo, convulsive psalmodie anti-spleen, Hermaphrodite, fascinante fresque hallucinée, ou encore – last but not least – Vendetta, furieuse attaque à mots armés contre la gent masculine, “écrite sous le coup d’une énorme rage”. Le pic fulminant d’un album sans entraves ni temps mort.
Album Terre neuve (Verycords/Warner Music)
Concerts Le 18 février, Lille (Théâtre Sébastopol), le 11 mars, Marseille (SAS concerts), le 21 mars, Avignon (Opéra Confluence), le 29 mars, Paris (Olympia) et le 11 avril, Bordeaux (Le Femina)
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