Revenant sur son éviction de la Matinale de France Inter, l’auteur-chroniqueur signe un roman contre la dictature du rire. Inégal.
Tous les jeudis pendant trois ans, Frédéric Beigbeder a été chroniqueur-pitre à la matinale de France Inter. Et puis, un jour, il s’est comme autodétruit en direct. Bafouillant, n’ayant rien à dire, semblant désorienté. A mes yeux, ça a été un immense moment dadaïste, un geste punk, dans une machinerie médiatique bien huilée ; mais c’était triste, aussi, de voir un homme en chute libre, encore sous l’emprise de la came. Quelques heures après, il était viré.
Un livre envahi de formules « rigolotes »
Son nouveau livre, qui n’a pas de titre, hormis un emoji smiley, commence comme un règlement de comptes avec France Inter, se change en pamphlet contre la tendance des comiques médiatiques, leur violence, puis se mue en mémoires d’un vieil oiseau de nuit un brin réac qui pose en néo-décadent et s’agace (après avoir biberonné) contre l’époque, la dictature du rire, les réseaux sociaux, la société de surveillance généralisée, la dureté cachée sous la fausse vertu.
“Dans la vie réelle, les humains n’avaient jamais été aussi égoïstes et méchants les uns avec les autres, mais ils lisaient des romans gentils, allaient voir des films altruistes, écoutaient des chanteurs positifs, plébiscitaient les divertissements gnangnans.” Il n’a pas entièrement tort. Mais était-ce mieux avant ?
Avant, il y avait Frédéric Beigbeder. C’était une star médiatique et éditoriale. Il écrivait des romans gentils et des chroniques méchantes contre les autres écrivains dans un magazine très à droite (Le Fig Mag). Il affichait une frivolité d’enfant gâté qui ne prenait rien au sérieux parce qu’il était cool de rire de tout. Au fond, ce que Beigbeder dénonce aujourd’hui, c’est paradoxalement tout ce qu’il a lancé lui-même. Et ce qu’il continue d’être, le livre étant envahi de formules « rigolotes ».
Mal déguisé en Octave Parango, son alter ego de fiction, il raconte la nuit qui a précédé son cafouillage à la radio, entre flashbacks et réflexions. C’est un cocktail qui mélange un peu tout et souvent n’importe quoi. Des pages graveleuses sur les femmes et le sexe, insupportables, à une promenade de nuit vers les Champs-Elysées, dont l’énumération mélancolique des noms des clubs, qui changent tout en restant les mêmes, comme le temps qui passe.
L’homme qui pleure de rire (Grasset), 320 p., 20,90 €