Chaque mois, retrouvez dans “Les Inrocks” le meilleur des expositions à voir dans le pays.
Peuples en armes, peuples en images
Hors Pistes, le festival pluridisciplinaire du Centre Pompidou, revient comme chaque année investir les espaces gratuits du niveau -1. Depuis quinze ans, l’événement s’efforce de décoder les images du présent en fonction d’un thème choisi en lien avec les grandes lignes de force de l’année. L’exposition centrale et la programmation de projections et de conférences viendront explorer, cette année, les images de la foule. Santiago, Beyrouth, Hong Kong, Alger, et un peu partout en France, des ronds-points aux Champs Elysées : l’année qui se clôt, tout autant que celle qui s’ouvre, fut incontestablement celle des clameurs du peuple, de ces corps qui se rassemblent, s’assemblent et s’unissent pour porter en place publique leurs revendications – protestations, célébrations, ou simplement droit à exister, à survivre, à vivre autrement.
Or si l’on ne prend pas la rue aujourd’hui comme il y a dix ans, ou un siècle, ce qui change la donne, c’est incontestablement le rapport à l’image. L’image est une arme, qu’elle soit du côté du pouvoir ou des insurgés, qui de la simple reproduction du réel s’y substitue ou le modèle. L’exposition rassemblera notamment des œuvres de Forensic Architecture, John Rafman et Bertrand Dezoteux, tandis que les conférences verront intervenir l’historien de l’art Georges Didi-Huberman, la cinéaste Rebecca Zlotowski, les chercheurs Elsa Dorlin ou Peter Szendy, et le philosophe Paul B. Preciado.
• Le Peuple des images. 15e édition du festival Hors Pistes, du 24 janvier au 9 février au Centre Pompidou à Paris.
La plus-value des bananes scotchées, et autres œuvres d’art
Dans les projets de la jeune artiste Eve Chabanon, ce qu’on voit, ce qu’elle expose et donne en pâture à nous, public, n’est souvent que l’indice, ou le fossile, de toute une histoire sous-jacente qui s’est déroulée en amont. Ainsi de son précédent projet, The Anti-Social Social Club : Episode One, The Chamber of the Dispossessed (2016 – en cours), exposé à Lafayette Anticipations à Paris et récompensé du Prix Sciences Po DATE, au sein duquel l’artiste faisait appel à des artisans en exil installés en Île-de-France s’étant retrouvés dépossédés des conditions qui leur permettrait de pratiquer leur savoir-faire.
Pour sa première exposition personnelle à Bétonsalon à Paris, l’artiste imagine un dispositif comparable, au sens où les objets exposés, et mis en vente, découlent ici aussi d’une logique collaborative, et ouvrent sur la question de ce qui constitue la valeur d’une œuvre d’art : ce fameux « surplus », ou « plus-value », qui distingue l’œuvre des autres produits marchands – d’usage ou de luxe. Une remise en perspective poétique et subjective de la notion de spéculation, prenant la suite, tout en s’y opposant diamétralement, des débats soulevés par Comedian, la célébrissime banane de Maurizio Cattelan.
• Eve Chabanon. Le surplus, du 29 janvier au 25 mai à Bétonsalon à Paris
Répétition, sample, zapping, Sturtevant
Sturtevant, Shifting Mental Structures Millionaire/Money, 2000 Paris. Soit un regroupement de différentes structures au sein d’un complexe nommé Komunuma, presque un quartier en soi, appelé à grandir encore au fur et à mesure de l’ouverture des prochaines structures. Après une première exposition dédiée à la famille artistique d’Air de Paris, la galerie inaugure son second cycle d’exposition et consacre un solo-show à l’artiste Elaine Sturtevant – souvent dite simplement « Sturtevant ».
Au début de sa carrière en 1965, l’Américaine amorce le processus de « répétition » d’œuvres d’autres artistes qui la rendra célèbre. Parce que Sturtevant s’impose de reproduire elle-même les œuvres, elle apprend à maîtriser tous médiums : peinture, sculpture, photographie, vidéo. A Air de Paris, l’exposition Ca va aller se concentre sur la partie vidéo de son travail, qu’elle initie en 1988 avec une exposition du même nom à la même galerie. La deuxième itération permet de rassembler un ensemble d’une trentaine de vidéos, dont la matière fut prélevée parmi le magma télévisuel des jeux, publicités et autres interférences sans qualité. Par leur montage, ces séquences vidéo anticipent l’accélération des images avant même l’apparition des conditions technologiques adéquates.
• Sturtevant. Ca va aller, du 12 janvier au 14 mars à la galerie Air de Paris. A voir aussi à la galerie : El oro de los tigres (avec Evgeny Antufiev, Lucy Bull, Horia Damian, Louise Giovanelli, Rodrigo Hernandez, Lin May Saeed, Jill Mulleady)
Conférence et concert : Anne Imhof est à Paris
L’événement art de l’année 2017, c’était pour beaucoup la performance coup de poing d’Anne Imhof présentée au Pavillon Allemande de la 57e Biennale de Venise, et qui avait alors raflé, en plus du succès populaire et l’estime critique, la récompense ultime du Lion d’Or. Faust, le nom de sa performance, introduisait à une dystopie d’époque, peuplée de zombies émaciés en sportswear téléguidés par les ordres reçus via leur smartphone. Au moment de la consécration, l’artiste allemande avait déjà présenté ses performances à de multiples reprises, du MoMA à New York au Palais de Tokyo à Paris. Mais la performance ne s’était pas encore imposée avec autant de retentissement comme le médium par excellence de l’époque, et l’on y avait prêté moins attention, ou du moins, une attention plus éparse.
Aujourd’hui, deux ans après, Anne Imhof fascine, comme elle commence à diviser, preuve d’une véritable réception critique en train de se faire. Alors qu’elle prépare, à Paris, une importante actualité à venir, elle sera en conférence aux Beaux-Arts de Paris le vendredi 10 janvier, et en concert au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris le dimanche 12 janvier, où elle interprétera avec ses musiciens-performeurs la bande-son de ses performances récentes. L’occasion de se faire sa propre idée sur l’une des artistes contemporaines les plus en vue du moment.
• Entretien avec Anne Imhof aux Beaux-Arts de Paris le vendredi 10 janvier à 18h30 ; concert d’Anne Imhof et Eliza Douglas au Musée d’Art Moderne le dimanche 12 janvier à 17h
Les non-conformistes russes prennent le Sud
Inauguré en juin dernier, l’Hôtel des Collections est la troisième tête de l’hydre MO.CO à Montpellier, qui relie en son sein également La Panacée et l’Ecole des Beaux-Arts. Si les deux premières de ces trois entités accueillent toutes deux des expositions, la spécificité de l’Hôtel des Collections est d’être axé autour d’une fonction de « musée dans collections », c’est-à-dire que l’endroit prête ses murs à des expositions réalisées à partir de collections conservées dans des musées du monde entier.
Après l’exposition inaugurale qui accueillait les œuvres d’art minimales et conceptuelles de la collection Ishikawa au Japon, place cette fois-ci à la Russie, et plus précisément à la Galerie Nationale Tretiakov à Moscou. A Montpellier, une sélection de 130 œuvres plonge le visiter au cours des différents courants rassemblés sous l’étiquette d’art « non-conformiste » de 1983 à 2008, en URSS puis en Russie, où l’on observe comment l’underground s’imprègne des mouvements artistiques de l’époque, de l’art cinétique au Pop Art, qu’il digère et réinterprète, par fascination autant que rejet.
• Les non-conformistes. Histoire d’une collection russe, jusqu’au 9 février au MO.CO Hôtel des Collections à Montpellier
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