En plus de mettre en son avec Parquet Courts des albums qui ont la morgue d’une génération qui bouillonnent d’idées et d’idéaux, Austin Brown contribue au renouveau de la scène punk-rock new-yorkaise en produisant, entre autres, les fortes têtes de Bodega et Gauche. Portrait.
Quand Austin Brown prend la parole, il commence généralement par une phrase simple, sûrement le meilleur résumé de ses dernières années : “À New York, il y a actuellement une scène très riche, un tas d’artistes extrêmement talentueux qui ne savent pas exactement comment enregistrer un album. Personnellement, je n’ai pas de recettes magiques, mais j’assiste à beaucoup de concerts et j’ai envie d’aiguiller ces groupes que je découvre généralement sur scène et qui m’épatent par leur énergie.”
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Dans la foulée, l’Américain s’empresse de raconter comment il a rencontré Bodega. C’était sur scène, forcément. À New York, forcément. Et la bande de Nikki Belfiglio et Ben Hozie l’a tellement impressionné ce soir-là qu’il a illico pris la décision de les aider à retranscrire cette énergie en studio. Pas une mince affaire : déjà, parce qu’Austin Brown travaille depuis un petit studio qu’il s’est lui-même aménagé, quitte à louer d’autres locaux plus confortables si le budget le permet ; et puis parce qu’il refuse lui-même de se définir comme un meneur d’hommes, avec des idées claires et des directives qu’il convient de respecter.
En clair, l’enregistrement d’Endless Scroll, le premier album de Bodega, se déroule avec un budget restreint et dans un lieu étroit, mais la collaboration fonctionne à merveille. C’est du moins ce qu’avance Ben Hozie, l’une des deux voix de la formation new-yorkaise : “Disons que l’on aime beaucoup sa musique et sa façon d’approcher le songwriting. Alors, quand l’opportunité de bosser dans son studio s’est présentée, on ne s’est pas fait prier. Pour la petite anecdote, Endless Scroll a d’ailleurs été mixé sur la même console que celle utilisée par Parquet Courts lors de l’enregistrement de Light Up Gold en 2012. Maintenant que les gens le savent, ils pourront nous comparer à Parquet Courts avec des arguments à l’appui (rires).”
Le son de New-York
Ben Hozie met le doigt ici sur un reproche que l’on pourrait hâtivement faire à Austin Brown : ne travailler qu’avec des groupes esthétiquement proches de Parquet Courts, de ce rock qui trahit l’anxiété, la nervosité et l’urgence d’une génération désillusionnée (par la prédominance numérique, la politique, les difficultés économiques, Trump, etc.), de ces textes à reprendre en chœur l’haleine chargée de bière bon marché, de ces guitares que l’on triture jusqu’en à en avoir le bout des ongles amoché.
On peut aussi voir dans cette démarche, et c’est sans doute là un constat plus juste, la volonté d’un homme de creuser le même sillon, que ce soit aux côtés de Bodega, de Public Practice ou même de Gauche, dont les membres l’ont contacté via Internet pour lui demander de piloter les sessions de leur deuxième album, A People’s History Of Gauche.
Austin Brown remonte le fil de l’histoire : “L’enregistrement de ce disque était très drôle. On est resté ensemble plusieurs jours, on était sept ou huit en même temps dans de petites pièces qui ne pouvaient contenir que quelques personnes et ces conditions relativement étroites ont donné naissance à une ambiance très brute, perceptible sur le disque. Le fait qu’il y avait d’autres instruments, comme le saxophone, ça m’a également plu : j’avais l’impression de m’essayer à autre chose.”
Homme de studio
Il suffit en effet de parler quelques secondes avec Austin Brown pour comprendre que le New-Yorkais n’est pas de ces musiciens-producteurs qui refusent les challenges, tournent le dos à la prise de risque. Lors de la dernière édition de South By Southwest, il a par exemple fait la rencontre de Sandy Davis (nom de scène : Pecas), jeune artiste de Brooklyn dont le mélange de disco, de R & B et de dream-pop l’a séduit et convaincu de se rapprocher d’elle.
Actuellement, il dit aussi finaliser la BO d’un film, et pense qu’il est temps pour Parquet Courts de retourner en studio. On lui demande alors s’il se sent plus libre lorsqu’il est derrière les consoles, à l’abri des regards, et sa réponse fuse : “Je ne pense pas avoir plus de liberté en tant que producteur, j’ai simplement envie de comprendre les limites que les gens s’imposent en musique et de me challenger”, reconnait-il.
Et de conclure : “Ce que j’aime, finalement, ce sont les conversations. C’est le cas au sein de Parquet Courts où chaque décision résulte d’un échange avec les autres membres du groupe. Et c’est également le cas lorsque j’endosse le rôle de producteur : je fais des propositions, je lance des pistes, mais ça reste des collaborations. Après tout, c’est le meilleur moyen d’être dans l’expérimentation, de ne pas m’enfermer dans une situation que je connais par cœur.”
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