Avec le nouveau Lapinot, le retour de la série d’heroic fantasy Donjon, un livre d’entretiens et une exposition, Lewis Trondheim est à la fête.
En 2014, après un dernier baroud d’honneur et trente-six albums au compteur, Lewis Trondheim et Joann Sfar prétendaient refermer les portes de Donjon, l’univers d’heroic fantasy animalière et un peu déviante qu’ils ont créé à la fin des années 1990. Mais les déclarations de l’époque – “seul le plaisir nous guidera”, affirmait alors Trondheim – portaient en elles le germe de ce retour maintenant effectif.
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Dans la continuité du précédent déjà dessiné par Boulet, Hors des remparts, septième tome de la série Donjon Zénith, ramène sur le devant de la scène les personnages phares, le canard Herbert de Vaucanson, la princesse Isis de Céphalonie et le dragon Marvin, à la recherche d’un artefact magique. Intact, le cocktail d’aventure décalée, d’humour délirant et de romance ravira et rassurera les fans. La grande nouveauté de ce come-back tient à la création de la série Donjon Antipodes qui, avec sa numérotation – 10 000 –, vient bousculer la timeline et nos attentes en racontant la préhistoire de l’univers.
Un sens de l’observation rare et un art du dialogue absurde
Parfaite porte d’entrée pour les néophytes, L’Armée du crâne, illustrée avec souplesse et entrain par Grégory Panaccione, nous transporte en pleine guerre entre orques et elfes. Du champ de bataille transformé en charnier émergent les véritables héros, deux chiens dont les maîtres viennent de s’affronter jusqu’à la mort.
L’animal orque, malgré sa physionomie peu avenante et son fond de sauvagerie, se révèle le plus sentimental des deux tandis que son homologue elfe, plus raffiné, a moins de difficulté à tourner la page. Très vite, ils forment un irrésistible duo comique et l’opposition de leurs caractères rythme l’intrigue, échevelée et tordante, comme si Le Seigneur des Anneaux était raconté en direct d’un chenil.
En parallèle de Donjon, Lewis Trondheim retrouve sa créature fétiche, Lapinot, inventée il y a déjà trois décennies avec Les Carottes de Patagonie. Le grinçant Prosélytisme & Morts-Vivants montre combien le regard du dessinateur n’a pas perdu de son mordant.
Ici, Lapinot suit un employé du gouvernement aussi savant que tête à claque pour l’aider à accomplir une mission improbable : installer un temple dédié à l’athéisme dans une ville de province. Comme dans les précédents albums, Trondheim se moque de l’air du temps grâce à un sens de l’observation rare et un art du dialogue absurde.
Prosélytisme & Morts-Vivants fonctionne aussi grâce à l’alchimie hilarante qui régit l’amitié entre Lapinot et Richard, faire-valoir aux idées dingos – comme écrire une série télé avec “des zombies qui conduisent des voitures”.
Dans un passionnant livre d’entretiens menés par Thierry Groensteen qui accompagne une rétrospective organisée à La Cité de la bande dessinée et de l’image à Angoulême, Lewis Trondheim explique d’ailleurs : “(…) Lapinot le moralisateur c’est moi, et Richard le facétieux c’est moi aussi.” Dans la catégorie des bouffonneries et mystifications, le dessinateur lève officiellement le voile sur une supercherie maison. Pour la première fois, face à Thierry Groensteen, il admet enfin s’être caché derrière Frantico, blogueur BD fictif qui eut pour de vrai son heure de gloire, il y a quinze ans. Le début de la sagesse ? On espère bien que non.
Donjon Zénith – tome 7 “Hors des remparts” de Boulet, Joann Sfar et Lewis Trondheim (Delcourt), 48 p., 11,95 €
Donjon Antipodes – L’Armée du crâne de Grégory Panaccione, Joann Sfar et Lewis Trondheim (Delcourt), 48 p., 11,95 €
Prosélytisme & Morts-Vivants de Lewis Trondheim (L’Association), 48 p., 13 €, sortie le 17 janvier
Entretiens avec Lewis Trondheim de Thierry Groensteen (L’Association), 400 p., 26 €, sortie le 17 janvier
Lewis Trondheim fait des histoires du 29 janvier au 1er mai, La Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, Angoulême
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