L’adaptation de la saga fantastique du Polonais Andrzej Sapkowski échoue à retranscrire la complexité des romans et n’égale pas la richesse esthétique des jeux vidéo dérivés.
Lorsqu’il était enfant, Geralt de Riv a subi des mutations qui lui ont conféré des capacités surnaturelles. C’est aujourd’hui un Sorceleur (witcher) qui sillonne le monde en tuant des monstres contre de l’argent. Sa route va croiser celle de Yennefer, une magicienne au passé douloureux, et de Ciri, une princesse aux pouvoirs mystérieux.
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Créée par Lauren Schmidt Hissrich, The Witcher est une adaptation libre de la saga Le Sorceleur d’Andrzej Sapkowski, œuvre majeure de la littérature fantastique contemporaine dont l’univers puise ses influences dans l’histoire et la mythologie polonaises. Sur le plan visuel, la série prend comme référence la trilogie vidéoludique adaptée des romans, qui s’est imposée comme une référence incontournable en matière d’action RPG.
Une mise en scène éteinte
Allier l’atmosphère d’un conte des frères Grimm aux chorégraphies guerrières héritées des jeux vidéo, trouer d’ambiguïtés insolubles la figure archaïque du guerrier silencieux et questionner la notion de monstruosité dans un monde rongé par la peur de l’autre : la promesse était alléchante. Elle est hélas noyée par une direction artistique ringarde et une mise en scène éteinte : on progresse dans la série comme dans une cinématique datée, parcourant un monde dépeuplé dont les habitants semblent s’animer seulement au passage de la caméra. Des clients de taverne monnayent les services du héros aux acolytes encombrants mais les codes du jeu de rôle sont retranscrits avec un tel premier degré qu’ils virent à la parodie involontaire.
Incarné par un Henry Cavill monolithique, Geralt de Riv manque cruellement de consistance et traverse les images comme une ombre sans rien y imprimer. La trajectoire émancipatrice de Yennefer souffre d’un traitement racoleur en termes de violence et de sexualité : plutôt que de donner corps aux fantasmes des joueurs concernant les personnages féminins, la série aurait gagné à remuer les schémas traditionnels et à renverser la dynamique de regards (n’y avait-il pas moyen d’érotiser un peu le Sorceleur ?). Seul le destin de Ciri semble échapper aux clichés en s’étirant comme un cauchemar brumeux peuplé de signes et d’apparitions.
Les thèmes qui sous-tendaient l’œuvre littéraire – le racisme, l’exclusion, le poids parfois étouffant des traditions – sont traités de façon maladroite par le biais de dialogues volontaristes ou de situations schématiques. Le féminisme dont se pare la série en surface est quant à lui désamorcé par son impensé théorique : comment mettre en scène, en 2019, un « chasseur de sorcières » sans prendre en compte l’évolution contemporaine du regard porté sur ces dernières ? Attendu comme un nouveau Game of Thrones et livré comme une série B sans âme, The Witcher ne parvient pas à nous ensorceler.
The Witcher disponible sur Netflix
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