Anthony Marciano, le réalisateur des Gamins, séduit avec Play, une comédie sensible et émouvante sur la fuite du temps.
Si, comme les images d’un film, la somme des instants vécus de nos vies pouvait se synchroniser à un logiciel de montage, quel film en ferions-nous ? Depuis son adolescence, Max filme presque tout de sa vie.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Pris d’une grande crise existentielle à l’aube de la quarantaine, il décide de rembobiner les images et de les monter pour en faire naître un film avec cette terrible question en tête : est-ce que le film de ma vie est réussi ?
Vers des confins émotionnels et théoriques étonnants
Un tel sujet, traité par le prisme du found-footage, relève du travail d’orfèvre… Il y avait donc de quoi douter du résultat du nouveau film du réalisateur des Gamins et de son acteur fétiche, Max Boublil.
Mais tandis que beaucoup de concepts vendeurs de la comédie mainstream française finissent par s’effondrer totalement au bout d’une dizaine de minutes, celui déployé par Play non seulement survit au film mais l’emmène vers des confins émotionnels et théoriques étonnants.
Toute l’intelligence du film est de partir d’une certaine impasse de son dispositif pour en tirer sa matière. Puisque Max ne peut pas tout filmer et que, nécessairement, les moments clés d’une vie restent hors-champ, comment faire avancer le récit sans être grotesque ? Précisément, en montrant ce que se déroule entre.
D’une grande mélancolie et terriblement précieux
Play se mute alors en cet objet détonnant, qui progresse via des séquences impressionnistes narrativement mineures (des fêtes entre amis, pour la plupart), déplaçant l’architecture de son récit non pas dans les scènes en soi mais dans leurs rapports, leurs interstices.
Ce sont les trous d’images et leur durée arbitraire (une ellipse d’un jour, une autre de plusieurs années), entre lesquels un poster dans une chambre d’ado a été remplacé par un autre, ou entre lesquels une petite ride a poussé, qui, mis bout à bout, viennent saisir quelque chose d’inestimable : le sentiment d’une vie qui file, forcément trop vite, sous nos yeux.
Que l’humour de Play ne fasse pas toujours mouche, que la qualité de sa mise en scène et du jeu de ses acteurs soit inégale n’enlèvent rien à ce qu’il est : un film de montage d’une grande mélancolie et terriblement précieux dans le paysage de la comédie française populaire.
Play d’Anthony Marciano, avec Max Boublil, Alice Isaaz, Emma Malik (Fr., 2018, 1 h 48)
{"type":"Banniere-Basse"}