Lorsqu’on a vu Les Amants de la nuit (They live by night) pour la première fois, par hasard, il y a quelques années, on ne connaissait pas l’œuvre de Nicholas Ray. Et on a tout de suite eu envie de tout découvrir. Car Les Amants de la nuit est un film dont on se remet […]
Lorsqu’on a vu Les Amants de la nuit (They live by night) pour la première fois, par hasard, il y a quelques années, on ne connaissait pas l’œuvre de Nicholas Ray. Et on a tout de suite eu envie de tout découvrir. Car Les Amants de la nuit est un film dont on se remet difficilement, un film frémissant qui a exceptionnellement bien vieilli. C’est le premier film de Ray, tourné en 1947, une histoire d’amants, de nuit et de voitures. Adaptation assez infidèle du roman d’Edward Anderson Tous des voleurs (10/18), Les Amants de la nuit part d’une structure de film noir classique (évasion, gangsters, pillage de banques, fuites) pour jouer avec le genre et en donner une interprétation complètement originale. Car ce n’est pas l’histoire policière qui intéresse Ray, celle-ci est souvent elliptique, à peine esquissée, même si la séquence du casse fait preuve d’une inventivité et d’un rythme formidables. Mais le récit se focalise immédiatement sur la relation entre Bowie, le jeune assassin (Farley Granger, effectivement très jeune), et Keechie (Cathy O’Donnell, extraordinaire). Rien à voir ici avec Bonnie & Clyde, il ne s’agit pas de la fuite en avant de deux gangsters déterminés. Tout est beaucoup plus poignant et plus complexe, Keechie et Bowie sont deux victimes en quête de normalité, de respectabilité. Il suffit de voir la magnifique séquence de la première rencontre dans un garage obscur pour comprendre le sens de cette relation amoureuse absolue et muette, pudique et tendre, dominée par la nuit. Car la nuit, l’obscurité qui baigne le film, est le seul refuge du couple en fuite, les moments d’apaisement sont nocturnes alors que la lumière est angoissante. Ce n’est peut-être pas la première fois qu’un tel renversement est mis en œuvre, mais rarement il aura été aussi efficace. Toute tentative d’installation, de vie normale (« like real people », dit Bowie) est vaine, les deux amants sont condamnés aux lieux de passage (les motels et les voitures magnifiquement filmées d’hélicoptère), à demeurer déphasés, inadaptés jusqu’à la fin tragique. Car il y a bien sûr ici un sens du destin tragique qui continuera à marquer l’œuvre de Ray, tout comme s’approfondira son étude de la jeunesse, de l’immaturité et de l’inadaptation. Avec Les Amants de la nuit, Ray jette les bases d’un style exceptionnel que l’on qualifiera bien souvent de baroque, mais qui a plus à voir avec un lyrisme fébrile et sans rhétorique.
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