Peintre, photographe, William Klein est aussi un cinéaste plastiquement inventif et politiquement précurseur. Lorsqu’on pense à William Klein cinéaste, la première image qui vient à l’esprit est souvent l’une des scènes époustouflantes de Qui êtes-vous Polly Maggoo ? : les filles habillées de rayures sur un fond rayé, ou bien le filmage au grand-angle d’un […]
Peintre, photographe, William Klein est aussi un cinéaste plastiquement inventif et politiquement précurseur.
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Lorsqu’on pense à William Klein cinéaste, la première image qui vient à l’esprit est souvent l’une des scènes époustouflantes de Qui êtes-vous Polly Maggoo ? : les filles habillées de rayures sur un fond rayé, ou bien le filmage au grand-angle d’un défilé de haute couture métallique… Mais au-delà de la perfection plastique, la satire est cruelle. Le petit monde de la mode y est épinglé dans toute sa vanité. Quant aux gens de télé qui s’imaginent qu’on n’est personne tant qu’on n’est pas passé dans leur petite lucarne, ils sont habillés pour une trentaine d’hivers. Aujourd’hui, ces moqueries peuvent passer pour tartes à la crème, mais les avoir conçues à l’époque prouve un réel talent visionnaire. En démontrant qu’on peut faire dire tout et son contraire à des images selon la façon dont elles sont montées et commentées, Klein anticipe les dérives de la télévision.
Devenu cinéaste citoyen, William Klein, révolté par l’invasion américaine au Vietnam, imagine Mister Freedom, une démystification de la domination idéologique des grandes puissances mondiales. La mise en scène, qui s’inspire cette fois des comics américains dix ans avant la mode, est sans doute moins brillante que dans le précédent. Mais le film recèle tout de même quelques pépites, tel cet immeuble où se rend Mister Freedom : l’ancêtre de la World Company des Guignols de l’Info.
En 1976, Klein laisse entendre avec Le Couple témoin que les futurologues se trompent toujours. Avec tout ce qu’on a lu et entendu depuis sur l’an 2000, difficile de lui donner tort. Surtout, ce couple (Anémone et André Dussollier) placé tel un cobaye dans un appartement de ville nouvelle et auquel on fait subir une batterie de tests révèle à quel point le citoyen n’est plus considéré que comme un consommateur par la trinité technocratie-publicité-pouvoir. En filmant toute une séquence en images accélérées, Klein pointe le devenir-robot qui guette l’homme du xxe siècle. A la fin du film, on a la gorge serrée même si, entre-temps, on a bien rigolé ainsi l’effet très réussi où le dialogue des deux époux est désynchronisé. C’est un gag de langage tourné par un plasticien alors que Woody Allen, cinéaste littéraire, a inventé dans son dernier film le gag visuel équivalent avec un Robin Williams devenant flou.
Dans ces trois films de fiction, Klein distord le réel pour mieux faire prendre conscience au spectateur du lavage de cerveau qui le guette. Mais lorsqu’il tourne des documentaires, on retrouve le style plus brutal du photographe. Admiratif du refus de Mohammed Ali de participer à la guerre du Vietnam, il part le filmer dès 1964. Au-delà d’Ali, Klein se passionnera souvent pour la culture noire et ses figures légendaires. Et avec Grands soirs et petits matins, il signe certainement le document le plus fidèle à l’esprit de Mai 68. Après The French, remarquable documentaire sur les coulisses du tennis, il tourne beaucoup de pubs puis Mode in France, une commande de Jack Lang sur les jeunes créateurs. L’esprit critique s’est émoussé. En 1993, il achève In & out of fashion, une sorte de résumé assez narcissique et sans grand intérêt de sa carrière de cinéaste. En revoyant tous ces films, on a pourtant envie de crier comme cette rédactrice de mode au couturier de Polly Maggoo : « Vous êtes plus qu’un créateur, vous êtes un galvanisateur, et je suis galvanisée. »
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