Les bas-fonds d’Hollywood et le destin tordu d’une famille se croisent dans « Ray Donovan ».
Depuis que Raymond Chandler, James Ellroy et quelques autres l’ont élue capitale du « noir », Los Angeles déverse son spleen ensoleillé et vicieux sur le monde entier. L’envers du décor antispectaculaire et décadent a définitivement ringardisé les images trop douces de carte postale. La dernière création en date de la chaîne câblée américaine Showtime (Dexter, Homeland) réactive depuis le début de l’été cette tradition vintage pleine d’aspérités. Dans Ray Donovan, la ville aux palmiers angoissants semble dévitalisée. On y bosse, on y pleure, on y meure. L. A. fait office de dernière escale avant l’enfer pour une poignée d’âmes venues s’échouer sur les côtes de Californie, faute de mieux. Parmi eux figure le quadra qui donne son nom à la série – interprété par le sexy Liev Schreiber. Ce garçon originaire de Boston-sud soupire beaucoup mais il parle peu, préférant avancer en silence et franchir les obstacles sans bruit. Une jeune femme à la fois séduite et flippée lui fait remarquer son mutisme excessif dès le premier épisode, sans vraiment provoquer de cataclysme intérieur chez son interlocuteur.
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Il faut dire que le garçon exerce un métier incitant à une discrétion de chat. Au service d’un prestigieux cabinet d’avocats, Ray Donovan est un fixer très introduit à Hollywood. Si un rappeur se réveille un matin auprès d’une mannequin morte d’overdose pendant la nuit, son téléphone sonne. Idem si un jeune premier dont le blockbuster sort dans quelques semaines se fait choper avec un transsexuel sur Sunset Boulevard. Effacer des traces compromettantes, régler des petites affaires privées au prix d’intimidations plus ou moins explicites : la routine glauque et glamour ne se termine jamais.
Ancienne de NYPD Blue et de Southland, la créatrice Ann Biderman s’est plongée dans les archives hollywoodiennes pour nourrir les scénarios de la première saison : « Nous avons aussi parlé à des journalistes de la presse tabloïd, des agents, des avocats, des consultants en sécurité. Cette tradition du fixeur est très vivace à Hollywood depuis l’âge d’or… » Avec un tel matériau de départ, la série pourrait se contenter de sautiller d’affaire en affaire et d’anecdote en anecdote sans demander son reste. Mais les exigences du récit télé moderne poussent Ray Donovan dans d’autres directions à la fois plus amples et plus attendues.
A la fin du premier épisode, le héros voit resurgir dans sa vie le seul homme dont il a vraiment peur : son père (Jon Voight, visiblement content d’être là), tout frais sorti de deux décennies passées en prison, pour des raisons auxquelles il n’est probablement pas étranger. Le vieil homme diabolique sur les bords veut reprendre la main. La grande angoisse commence pour cette famille dont on comprend bientôt qu’elle ne demande qu’à se désintégrer, entre un oedipe toujours pas réglé et quelques traumas lourds à gérer – des abus sexuels commis par un prêtre sur un frère de Ray. Le mélange entre l’exploration des bas-fonds hollywoodiens et le drame familial classique porte ses fruits assez vite. Sans se hisser encore à la hauteur des grandes séries d’aujourd’hui, Ray Donovan colle à la peau et captive par sa tristesse et sa folie latentes – voir l’incroyable final de l’épisode 4. D’épisode en épisode, la fiction avance de plus en plus tranquillement, comme si elle voulait se défaire de ses propres chaînes et des conventions qu’elle s’imposait pour devenir libre et par moments totalement barrée. Cette capacité de renouvellement et d’approfondissement donne foi en l’avenir. Showtime a déjà commandé une deuxième saison.
Ray Donovan sur Showtime
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