Interviewé par le site américain “Deadline”, George Miller a livré sa conception du récit, donné quelques informations sur son prochain film et assuré que la suite de la saga “Mad Max” était bien en route.
Fin novembre, nous faisions figurer Mad Max : Fury Road à la huitième place de notre classement des 100 meilleurs films des années 2010. A ceux qui attendaient, comme nous, des nouvelles de son réalisateur George Miller, voilà que Deadline nous donne de quoi nourrir notre curiosité. L’Australien a accordé un entretien au site américain, alors qu’il vient d’obtenir le financement de son prochain film.
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“L’anti-‘Mad Max’”
Three Thousand Years of Longing (Trois mille ans d’attente) sera “un film très visuel, mais presque à l’opposé de Fury Road. Il se déroule essentiellement en intérieur et il y a beaucoup de conversation. Il y a des scènes d’action, mais elles sont ponctuelles, et je pense qu’il est juste de dire qu’il s’agit là de l’anti-Mad Max”, a déclaré Miller. Le film, dont le tournage devrait commencer prochainement, sera emmené par Tilda Swinton et Idris Elba.
Les histoires les plus fortes survivent
Si le réalisateur est resté peu loquace sur ce nouveau film, il a toutefois livré sa conception du récit, qu’il juge soumis à un mécanisme proche de la sélection naturelle issue de la théorie de l’évolution telle que la présentait Charles Darwin dans L’Origine des espèces en 1859. “J’imagine que je suis câblé à l’idée d’histoire, et à mon sens, les histoires germent dans nos têtes et s’y agitent. Cela prend un tour assez darwinien, c’est la survie du plus fort : les histoires qui tiennent les promesses les plus élaborées sont celles qui survivent. J’ai travaillé sur et réfléchi à cette histoire [celle de Three Thousand Years of Longing] pendant au moins quinze ans. J’ai constamment plusieurs de ces histoires à l’esprit et c’est intéressant de voir lesquelles s’évanouissent et pourquoi. Les plus persistantes le sont généralement parce qu’elles cochent de nombreuses cases et qu’elles accomplissent beaucoup de choses sur le plan organique”, a expliqué Miller.
Une réflexion originale qu’il poursuit en employant la métaphore de l’iceberg, qu’il applique à la richesse narrative que peut contenir un film, au-delà de ses manifestations visuelles : « J’aime vraiment les histoires qui cachent beaucoup d’iceberg sous leur partie émergée. Trop souvent, une histoire peut éblouir avant de se faire très vite oublier. Je dois dire que Mad Max : Fury Road est le film qui m’a le plus satisfait. Un film comme ça aurait pu n’être apprécié qu’en surface. C’était très difficile d’y ajouter un sous-texte dense. C’est en cela qu’a consisté l’exercice formel sur ce film et j’était content de voir que les gens avaient compris qu’il y avait beaucoup à lire. Ils ont saisi l’allégorie. Je pense que c’est pour cette raison que le film a à ce point gagné la reconnaissance du public. J’espère que [mon prochain film aura le même succès] bien qu’on ne puisse pas le savoir avant que le film sorte et que le public dise de quoi il en retourne”, a précisé le réalisateur.
Pour une une définition ouverte du cinéma : Miller et le débat Scorsese vs Marvel
Miller, qui a marqué toute une génération avec la saga Mad Max et s’est attiré de nouveaux fans avec Fury Road en 2015, est revenu sur les films qui l’ont lui-même marqué : “Le premier film qui me vient à l’esprit, c’est Le Parrain 2 (…) Mais parfois, un film a un impact et une résonance particuliers sur un individu à un moment donné dans sa vie. C’est différent selon chacun. Le film Pinocchio a eu une influence énorme sur l’enfant que j’étais, et pendant de nombreuses années. Pinocchio était très, très puissant. C’est l’un de ces films qui ont beaucoup de sous-textes, qui cachent juste un iceberg massif sous leur pointe émergée”, a-t-il confié.
Un attrait pour le cinéma qui a conduit Miller à la réalisation après le visionnage mémorable, alors qu’il était étudiant, de M.A.S.H. de Robert Altman et de La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo. Aux yeux de celui qui a mêlé dans Fury Road une esthétique de blockbuster à un récit hypercontemporain en disant long sur le monde moderne, la distinction entre films d’action à gros budgets et films d’auteur n’a d’ailleurs pas lieu d’être.
Alors que le débat est ouvert depuis la déclaration début octobre de Martin Scorsese au sujet des films Marvel, qui d’après lui ne relèvent pas du cinéma mais s’apparentent à des produits de consommation, Miller juge pour sa part que le cinéma “est une très grande église” et que c’est l’accueil du public qui est le plus déterminant dans le succès d’un film.
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Coma-Doof Warrior de retour
Spectateur assidu des films de superhéros et autres longs-métrages de franchise, Miller valorise une acception large du terme « cinéma » : “A mon sens, [tous ces films relèvent] du cinéma. Je ne pense pas qu’on puisse ghettoiser et dire ce qui est du cinéma et ce qui n’en est pas. Cela s’applique à tous les arts, à la littérature, au spectacle vivant, à la peinture et à la musique, sous toutes leurs formes. Le spectre est large, et celui qui déclare qu’un artiste est plus important qu’un autre n’a rien compris. C’est une grande mosaïque et chacune des pièces y a sa place”, a-t-il déclaré.
Enfin, interrogé au sujet de l’avenir de Mad Max, Miller a assuré que la saga n’avait pas dit son dernier mot : “Je n’en ai pas terminé avec l’histoire de Mad Max. Il me semble que c’est important d’être multitâches, et c’est certain qu’un autre Mad Max devrait sortir après [Three Thousand Years of Longing]. Nous travaillons dessus”, a-t-il assuré, pour la plus grande satisfaction des fans.
Seul petit élément auquel se raccrocher à ce stade du projet : le prochain volet de la dystopie pourrait marquer le retour de certains personnages « tertiaires » et néanmoins inoubliables, à l’instar de Coma-Doof Warrior, le guitariste mutant du véhicule ghetto blaster, dont on donnait peu cher de la survie. “J’aimerais me dire qu’il est encore vivant. A vrai dire, nous avons écrit son histoire, pour expliquer comment il en est arrivé là. J’y pense souvent. Notre approche, en faisant ce film, c’était de tout pouvoir expliquer. Pas seulement les personnages, mais chaque objet, comment il s’était retrouvé dans ce monde et comment il avait survécu”, a confié Miller.
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