Au Mali, Yaya Coulibaly est à la marionnette ce que Toumani Diabaté est à la cora, le dépositaire et passeur d’une tradition qui remonte au XIème siècle, transmise de génération en génération, socle de leurs créations actuelles.
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Et là, surprise, un spectacle fantastique nous attendait. Un vrai cadeau mandingue, le clou du voyage. Chez lui, à une rue de son atelier à ciel ouvert où s’activent marionnettistes, danseurs, musiciens et chanteuses, chaque étage est un musée où s’entassent des centaines de marionnettes sculptées dans le bois et peintes, à fil ou à tige, et qui semblent dormir depuis l’éternité en attendant qu’on les anime.
[attachment id=298]Quand on demande à Yaya Coulibaly d’en choisir une pour la présenter, il se tourne vers une impressionnante tête d’antilope aux cornes recouvertes de six personnages qui symbolisent l’univers entier.
Beaucoup, hommes ou animaux, ont la tête peinte en jaune. Pourquoi ? Yaya Coulibaly sourit et nous explique que c’est la couleur des ancêtres.
« Etes-vous du matin ? Avez-vous remarqué juste avant le lever du soleil, l’horizon se remplir d’une bande de lumière jaune ? Ce sont les ancêtres qui viennent nous protéger. Je dirais même que cette lumière est curative. Et puis, c’est aussi la couleur des selles d’un nouveau-né. Vous savez ce qu’on dit ici de quelqu’un qui vient de mourir ? Il est retourné à sa mère et c’est pourquoi on les plaçait en position fœtale. »
Jaune, la couleur de la transmission. Dans la cour atelier où il nous avait accueillies d’un chaleureux : « Bienvenue dans l’antre bamakoise de l’AKMI!« , tout le monde est fin prêt et se présente : des musiciens aux danseuses, de la chanteuse aux marionnettistes, dont son fils Facinè.
Sans oublier le forgeron sculpteur de marionnettes (« Il peut faire une tête en une heure, mais en cas d’urgence, il en fait 3 dans le même temps…. ») et les marionnettes géantes – gazelles, chameaux, oiseaux ou personnages – qui attendent, posées sur la terre rouge, d’être dansées plutôt que manipulées.
L’apprentissage, nous disent les manipulateurs en présentant leur marionnette, n’est pas seulement technique mais passe aussi par une initiation. Le spectacle qu’ils nous offrent pendant près de deux heures est grandiose et attire le voisinage en un temps record.
[attachment id=298]Tout danse et se meut dans un ensemble aux dynamiques inouïes, une pulsation qui se propage des sons aux mouvements des marionnettes animées et des danseurs manipulateurs.
Une tradition qui se perpétue est une forme de résistance, enseigne Yaya dans le livre Novembre à Bamako*, de Valérie Marin La Meslée : « C’est bien l’animiste en lui qui laisse éclater sa colère contre « l’agression de l’islam sur le patrimoine artistique au Mali. Mais l’âme du peuple bamanan (bambara) est plus forte ! »Il a grandi dans une famille où l‘on fabrique des marionnettes de père en fils. L’école coloniale crée une rupture dans la continuité du métier, mais lui apparaît aujourd’hui comme une « cassure nécessaire » qui lui a permis d’écrire des pièces et des scénarios pour sa compagnie. De plonger dans les archives familiales pour adapter contes, fables et épopées. »
Dans le livre, on y apprend aussi que les élèves des Beaux-Arts de Metz bénéficient depuis dix ans d’un stage à Bamako dans sa compagnie de théâtre de marionnettes et que la transmission s’élargit désormais à l’échelle du monde où il tourne régulièrement avec ses spectacles.
Un vœu : que la France l’invite au plus vite.
Fabienne Arvers
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