Dans le diocèse du film musical kitsch, deux chapelles ardentes se disputent depuis vingt ans le denier du culte. A ma droite, les adorateurs du Faust à la voix ébarbée de Phantom of paradise, à ma gauche les accros à la time warp dance du Rocky horror picture show. A l’évidence, les partisans du film […]
Dans le diocèse du film musical kitsch, deux chapelles ardentes se disputent depuis vingt ans le denier du culte. A ma droite, les adorateurs du Faust à la voix ébarbée de Phantom of paradise, à ma gauche les accros à la time warp dance du Rocky horror picture show. A l’évidence, les partisans du film de Jim Sharman ont un, voire deux pas de danse d’avance. Depuis sa sortie en 71, des centaines de fans ont imposé dans une poignée de salles de la planète un épiphénomène prescripteur d’interactivité en instaurant le dialogue avec certaines scènes jet de riz lors d’un mariage, projection d’eau quand il pleut à l’écran, citations de répliques… Pour célébrer le vingt-cinquième anniversaire du show sort un coffret composé du film et, surtout, plus intéressant, d’un documentaire incluant interviews et séquences laissées sur la table de montage.
Oublions la double séance de karaoké et deux inutiles scènes en kit pour aller pêcher de croustillantes anecdotes. Rapide condensé : Le Magicien d’Oz, Murnau et Russ Meyer sont clamés prime influence et Bande à part de Godard (!) serait le géniteur du time warp. Marianne Faithfull aurait décroché un rôle si elle n’était pas partie en Inde avec son gourou… Le film fut un bide à sa sortie, le meilleur restant le discours involontaire sur la postérité du film : Susan Sarandon est catégorique, le film n’a absolument rien apporté à sa carrière, Jim Sharman ressemble désormais à un yuppie chauve et cravaté et Barry Bostwick, héros du film, est devenu un clone bouffi de George Chakiris, oublié de tous.
Au-delà de ces apports, toujours bienvenus pour attiser la curiosité vis-à-vis de la cuisine du cinéma et de ses casseroles, on pourra se demander si le réel intérêt du Rocky horror n’était pas justement ces pincées de déconnade carnavalesques se déroulant dans les salles, inventrices à leur manière d’un rapport avec le film, qui à défaut d’en faire un objet vivant, lui procure un vrai relief. Qu’en restera-t-il dans les salons ? Hormis l’inconvénient du format de l’écran télé, il n’est pas certain que les mères de famille acceptent longtemps de shampouiner la moquette incrustée de riz ou de farine.
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