Des agressions sans précédent ont été commises contre une centaine de femmes à Cologne lors de la nuit de la Saint-Sylvestre. Alors que la police décrit les agresseurs comme « d’origine arabe et nord-africaine », la récupération politique n’a pas tardé. Sa cible : la politique d’ouverture aux réfugiés prônée avec vigueur par Angela Merkel.
« Une soirée globalement calme.” Voilà comment la police de Cologne définissait le 1er janvier, les festivités de la veille. Trois jours plus tard, des bribes d’informations sont distillées dans les médias. Une conférence de presse révèle l’ampleur des faits. Une centaine de femmes ont déjà déposé plainte pour des faits d’agression survenus lors de la Saint-Sylvestre. Près d’un tiers pour agression sexuelle.
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« C’est une nouvelle dimension de la violence, nous n’avons jamais vu ça », s’est alarmé mardi soir Arnold Plickert, le président du syndicat de la police en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Selon les premiers éléments de l’enquête, plusieurs groupes de vingt à trente personnes ont harcelé, molesté et volé des femmes se trouvant devant la gare centrale de Cologne et sur le parvis de la cathédrale. Les violences se sont produites alors que le lieu venait d’être évacué en urgence par la police locale. Aux alentours de minuit, la situation devenait trop dangereuse, selon les officiers. En cause, des feux d’artifices tirés en direction de la foule. L’hebdomadaire Focus a mis en ligne une vidéo amateur témoignant du malaise planant sur la place après les premiers jets.
Entre 500 et un millier de personnes, pour la plupart alcoolisées, seraient impliquées. Une plainte pour viol a été déposée. Seules cinq personnes ont été arrêtées sur les lieux du drame, signale le quotidien local General-Anzeiger. Des faits de violences similaires ont été recensés dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier à Stuttgart et Hambourg.
La maire promet « les poursuites les plus fermes » (AFP/RTL Germany)
Aucune preuve de la présence de réfugiés
Une touriste britannique en voyage à Cologne a confié à la chaîne britannique BBC que des feux d’artifice avaient été jetés vers elle et ses amis par un homme ne parlant ni allemand ni anglais.
« Ils ont essayé de nous prendre dans leurs bras, de nous embrasser. L’un d’eux a volé le sac de mon ami. Un autre a essayé de nous mette dans un taxi privé. J’ai eu très peur, je n’ai jamais vécu une situation aussi effrayante de ma vie.”
Le quotidien local The Kölner Express rapporte quant à lui le témoignage d’une femme bloquée sous un tunnel par ses agresseurs :
« Quand nous sommes sortis de la station, nous avons été très surpris par un groupe que nous avons rencontré, composé seulement d’hommes étrangers. Nous avons marché à travers le tunnel. Ils m’ont touchée de partout. C’était un cauchemar. Je criais et les tapais mais ils ne s’arrêtaient pas. J’étais horrifiée, je pense avoir touché environ cent fois sur deux cent mètres.”
Vivement critiqué pour son inaction le soir du 31 puis pour sa communication hasardeuse, le chef de la police locale Wolgang Albers indique que « des crimes sexuels ont été commis à grand échelle ». Avant d’ajouter, se basant sur le témoignage de victimes, qu’ils sont le fait « d’un groupe de personnes qui d’apparence viennent principalement d’Afrique du Nord et du monde arabe ».
Il n’en fallait pas plus pour que les détracteurs de la chancelière Angela Merkel relient ces agressions à l‘accueil massif de réfugiés mis en place par la chancelière depuis septembre dernier. Les autorités ont pourtant insisté sur le fait qu’il n’existait « aucune preuve permettant de dire qu’il s’agissait de personnes accueillies à Cologne en tant que réfugiés”. Selon le journal britannique The Guardian, « les enquêteurs ont dit que plusieurs agresseurs étaient connus des service de police et que certains pourraient être des demandeurs d’asile, ce qui ne veut pas dire que ce sont de nouveaux arrivants en Allemagne« .
Certains éléments de l’enquête mènent à penser qu’il s’agirait d’une criminalité organisée. “Le tout semble avoir été coordonné”, a avancé ce mercredi le ministre allemand de la Justice, Heiko Maas, interrogé par la chaîne de télévision ZDF.
“Le débat sur les réfugiés ne s’est jamais vraiment arrêté”
A en croire la presse allemande, cette série d’agression inquiète « Mama Merkel » – son surnom depuis qu’elle s’est engagée à accueillir un million de réfugiés en 2015 – Appel à la maire de Cologne, communiqué de presse… Devant ces « abominables attaques et agression sexuelles », elle a signifié que tout devait être « mis en œuvre pour que les coupables soient identifiés, rapidement et complètement, sans considération de leur origine ou de leur passé ».
La question de l’accueil des migrants crispe les Allemands. Et Angela Merkel en fait une affaire personnelle. Derrière l’« l’hystérie autour de l’histoire de Cologne (…) le débat ne s’est jamais vraiment arrêté », analyse Barbara Kunz, chercheuse au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa).
“Pour Angela Merkel, c’est devenu le sujet numéro un, précise la chercheuse. C’est la première fois qu’elle a recours à des arguments émotionnels. Le CSU (le troisième parti de la coalition gouvernementale – ndlr) veut qu’elle fixe un nombre limite de réfugiés par an. Mais elle s’y refuse. D’une part, parce qu’elle ne veut pas qu’on lui impose de direction. D’autre part, parce qu’elle sait qu’elle ne pourrait pas s’y tenir tant la situation européenne est complexe. »
C’est au vu des ces éléments de politique intérieure que la véhémence du secrétaire général du parti bavarois CSU doit être comprise : « Si des demandeurs d’asile ou des réfugiés se livrent à de telles agressions, a déclaré mardi Andreas Scheuer en conférence de presse, cela doit conduire à la fin immédiate de leur séjour en Allemagne« ,
Le mouvement anti-immigration Pegida n’est pas en reste. Il s’empare des évènements, au même titre que le parti populiste de droite AfD, avec qui les liens sont troubles. « Est-ce que l’Allemagne est suffisamment ouverte sur le monde et multicolore pour vous, Madame Merkel ? » a lancé sa présidente Frauke Petry. Cette formation politique, qui s’indigne des « conséquences épouvantables d’une politique migratoire et d’asile catastrophique », ne cesse de grimper dans les sondages (entre 4 et 6 % dans les derniers sondages), alors que de nombreuses agressions anti-réfugiés ont été recensées ces derniers mois outre-Rhin. « Ces attaques touchent un petit nombre de personnes, donc elles ont moins d’intérêt médiatique », résume la chercheuse Barbara Kunz.
Les troublants conseils de la maire de Cologne
Les réseaux sociaux s’enflamment eux aussi ces dernières jours. Certains journaux, comme le Spiegel online, ont fermé en début de semaine leurs forums devant la masse de messages haineux. Mais ce sont surtout les conseils malheureux de la maire de Cologne qui ont retenu l’attention sur Twitter. En cas de nouvelle agression, voilà ce que préconise Henriette Reker :
« Eh bien, il y a toujours la possibilité de garder une certaine distance, qui est plus grande que la longueur d’un bras. Il faut éviter par soi-même d’être trop près des personnes en qui on n’a pas vraiment confiance. Mais il existe d’autres possibilités, comme se déplacer en groupe ou ne pas se séparer.”
Ce n’est pas la première fois que la question de l’accueil des migrants touche l’élue locale. En octobre dernier, elle avait été grièvement blessée au cou sur un marché. Son agresseur avait justifié son acte en exprimant des sentiments xénophobes.
Mardi en début de soirée, entre 200 et 300 personnes se sont symboliquement rassemblées devant la cathédrale de Cologne pour appeler à plus de respect envers les femmes. « Madame Merkel, que faites-vous ? Ça fait peur« , s’interrogeait sur une pancarte une des manifestantes. La tension qui règne sur Cologne est d’autant plus grande que du 4 au 6 février prochain se tiendra un célèbre carnaval. Une manifestation qui attire chaque année près d’un millions de personnes.
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