Déserts de Bill ViolaTélévision “Le son peut aussi être une forme d’image” et “L’image visuelle nous met en permanence sous les yeux une fantastique petite image, un modèle réduit du monde.” C’est par ces deux phrases que Bill Viola annonce le travail vidéo qu’il a effectué sur une œuvre musicale d’Edgar Varèse. Cela fait une […]
Déserts de Bill Viola
Télévision « Le son peut aussi être une forme d’image » et « L’image visuelle nous met en permanence sous les yeux une fantastique petite image, un modèle réduit du monde. » C’est par ces deux phrases que Bill Viola annonce le travail vidéo qu’il a effectué sur une œuvre musicale d’Edgar Varèse. Cela fait une vingtaine d’années que Bill Viola fait sa propre révolution autour du monde de la vidéo. Déserts serait comme le film somme du vidéaste américain. Des images de déserts, de fonds marins, d’éclairs et de feu se succèdent, formant une suite d’événements mathématiques qui semblent régir le monde où nous vivons. En contrepoint de ces images filmées en temps réel, un homme marche dans une pièce, s’asseoit, mange et boit, le tout au ralenti. Chez Viola, tout est à venir ou tout est déjà passé. Quand il filme le désert, on ne sait jamais s’il filme un lieu de désolation, rasé après la fin du monde ou, au contraire, s’il va mettre en scène la genèse de l’univers. Dans sa manière de filmer, le vidéaste rend toujours compte du fonctionnement du monde comme vu par une entité extérieure à celui-ci. Ainsi les ralentis ou accélérés d’images, les changements d’échelles géographiques (quand il filme le fond marin, on croirait une maquette et, la nuit, la lune semble une balle de jokari rebondissant sur les bords du cadre) participent de cette perception qui ne semble pas être le point de vue d’un humain, mais plutôt celui d’une conscience surnaturelle. Déserts oscille entre Predator, avec cette idée que l’homme est observé mais qu’il n’en a pas conscience, et L’Eclipse, pour sa modernité et la mise en place du non-langage qui va se développer entre la nature et les hommes. La pièce musicale et avant-gardiste de Varèse (1954) est aussi directrice de la mise en forme du monde. Celui-ci se (re)constitue à coups de notes. Le son allume l’image. Il y a toujours cette idée qu’il se trame quelque chose dans votre dos. L’homme dans la pièce est filmé de dos et ne peut savoir quelle révolution les éléments opèrent sans lui. Viola rejoint le discours de Godard sur le rapport entre celui qui annonce les informations à la télévision et les images des reportages qui se forment et arrivent dans son dos : ni le présentateur du journal témoin théorique et transmetteur de l’information du monde ni l’homme dans la pièce ne peuvent détenir la vérité, car celle-ci se réalise à leur insu et les prend par derrière, comme une trahison de ce qu’on croyait. Bill Viola n’est pas croyant, il est pratiquant : il force la rencontre ou l’accident entre l’homme et la nature. L’homme à sa table va chuter au sol et le sol se révélera être l’océan : il plongera à travers le miroir. La lampe de la table tombe sous l’eau et là, miracle pratique ou croyance vidéo, elle reste allumée sur le sol marin. Viola est un cinéaste qui aurait intéressé Lacan : il se joue de l’image comme on se joue des mots.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Mercredi 16 octobre, 22 h 45, Arte.
{"type":"Banniere-Basse"}