A l’Odéon, Thomas Jolly se distribue lui-même dans le rôle-titre de Richard III, et transforme le roi shakespearien en ado versatile et forcené. Un naufrage dans les grandes largeurs.
Drôle d’idée de cibler les fantasmes des pré-ados et de botter d’entrée de jeu en touche en évacuant le roi difforme de Shakespeare au profit du lieu commun clinquant d’un univers gothique lorgnant sur un remix sans âme du Rocky Horror Picture Show.
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Bouillie prémâchée
Une idée courte qui a pour seul mérite de caresser le public dans le sens des plumes pour mieux lui faire avaler la pilule des 4 heures 30, entracte compris, d’un spectacle où l’on se désespère à subir des acteurs transformés en caricatures braillant leurs répliques sans se préoccuper une seconde de nous faire comprendre ce qu’elles veulent dire. Une bouillie prémâchée réduisant le poème dramatique à une musique dissonante, si loin des subtilités de la langue de la traduction de Jean-Michel Déprats, totalement inaudible.
Avec l’impression d’assister à une comédie musicale écrite par Michel Berger et Luc Plamondon, on ne s’étonne alors pas d’être aveuglé par des lumières pompées sur celles d’un concert de Johnny Hallyday via l’usage déraisonnable des faisceaux de projecteurs robotisés qui ne font que singer les épiques combats au sabre laser de Star Wars.
L’esthétique générale oscillant entre les vitrines des grands magasins à l’approche de Noël et une partie de Space Invaders tournant au cauchemar, on aura bien du mal à sauver une image de ce naufrage intergalactique.
Public enthousiaste
Surfant sur la vague de l’enthousiasme général soulevé par son Henry VI, qui durant dix-huit heures dévoyait l’humour so british qui nous ravit chez les Monty Python pour mouliner Shakespeare, Thomas Jolly tente avec Richard III le quitte ou double d’un nouveau blockbuster théâtral. Et c’est réussi… Car, même si l’on est restés, enfoncés dans nos fauteuils, on doit à l’éthique du métier de critique de rapporter que, du côté du public, c’est debout qu’on applaudit.
Là est le vrai problème : à force d’organiser des soirées portes ouvertes dans les monuments shakespeariens, Thomas Jolly ne fait que s’enfermer dans le contresens d’un théâtre prétendument populaire instrumentalisant le label “théâtre classique” en l’expurgeant de sa moelle substantifique. Ce faisant, il se range du côté des marchands de sable et touche aujourd’hui le fond en transformant Richard III en cet ado aussi capricieux qu’hystérique.
S’il inquiète autant qu’il décervelle, Thomas Jolly mérite plus que jamais au terme de ce réquisitoire de recevoir, à l’unanimité du jury, le prix du champion de France du jeté de bébé avec l’eau du bain.
Richard III de William Shakespeare, mise en scène Thomas Jolly, La Piccola Familia, du 6 janvier au 14 février au Théâtre de l’Europe-Odéon, Paris VIe, theatre-odeon.eu, tournée jusqu’en mai
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