Une critique féroce de l’Italie des deux dernières décennies à travers le retour d’un ex-gauchiste. Un polar brillant.
LE FILM : Sorti à la sauvette en plein engourdissement estival l’an dernier, Arrivederci amore, ciao est pourtant le meilleur film de genre italien réalisé depuis une éternité, et peut-être aussi le meilleur film politique. Fidèle à une tradition du polar italien, le retour de Michele Soavi, après seize ans d’intermède télévisuel, est à la fois l’occasion d’un exercice de style dans la plus pure tradition du cinéma “pulp” et d’une critique féroce et intelligente des deux dernières décennies de décadence morale et d’emprise berlusconienne en Italie. Le personnage principal, Giorgio, est un ancien militant d’extrême gauche, réfugié en Amérique centrale pour échapper à la justice de son pays après l’explosion meurtrière d’une bombe. Son retour en Italie, où il sollicite sa réhabilitation, va s’effectuer à la faveur d’une succession spectaculaire de vols, trahisons, assassinats et manipulations. Giorgio va croiser la route d’un patron de boîte de nuit, d’une bourgeoise malheureuse en ménage qui deviendra sa maîtresse, d’un flic pourri, d’une jeune oie blanche de la Démocratie chrétienne qu’il épousera par volonté d’intégration sociale. Tous seront les victimes de son arrivisme et de son désir de devenir enfin, comme le dévoile la dernière phrase prononcée dans le film, “un citoyen honnête comme les autres”. Le film sidère avant tout par sa noirceur, et Giorgio, véritable monstre de cynisme et de violence froide, est très bien interprété par Alessio Boni. Soavi a appris le cinéma dans l’industrie de la série B italienne des années 80, et fut l’assistant de Dario Argento et Terry Gilliam. Il se surpasse dans Arrivederci amore, ciao en multipliant les morceaux de bravoure, les idées baroques et les musiques entêtantes, dans la lignée de ses maîtres ou du cinéma d’action asiatique contemporain. Cependant, le film échappe à l’exercice vain et idiot grâce à son imprégnation dans un contexte politique précis, et à la description onirique qu’il propose de la société italienne, stylisée en cauchemar glacial, clinquant et vulgaire. On retrouve ici à la fois la conception fantasmatique du cinéma de Mario Bava (auquel Soavi rend hommage en un plan) et l’ampleur ironique de celui de Sergio Leone, qui lui aussi racontait les méfaits de pistoleros et de gangsters pour mieux parler de l’histoire de l’Italie ou critiquer son époque.
LE DVD : Dans un entretien, Soavi explique qu’après avoir filmé des morts vivants dans son précédent long métrage fantastique, Dellamorte dellamore (1994), il a décidé de mettre en scène dans Arrivederci amore, ciao des vivants morts, évoluant dans un monde dévasté par le mal. Soavi évoque les difficultés pour monter son film, et l’incompréhension qu’il a rencontrée à sa sortie : nouvelles preuves que l’Italie est devenue allergique à la moindre idée de mise en scène (et idée tout court) dans un film.