Grâce aux témoignages d’un panel impressionnant de créateur·trices de séries, Pierre Langlais raconte dans Créer une série comment elles se font étape après étape.
“J’ai commencé à écrire Les Revenants en me disant que c’était gérable. Au pire, je ferais une seule saison, ça me prendrait un an, un an et demi maximum, et après ça je retournerais faire un film.” C’est Fabrice Gobert qui parle, rétrospectivement. Car sortir de terre les seize épisodes de l’une des plus belles séries françaises de l’histoire a finalement occupé cinq années de sa vie.
Son témoignage (et beaucoup d’autres) a été recueilli par le journaliste de Télérama Pierre Langlais, spécialiste de longue date qui signe avec Créer une série un livre assez inédit dans le contexte français. Son but ? Donner la parole à plus d’une quinzaine de créateur·trices.
Langlais parcourt tout le spectre de création d’une série
On y croise un casting d’auteurs et autrices foncièrement indépendant·es : Michaela Coel (I May Destroy You), Bryan Elsley (Skins) et Sally Wainwright (Happy Valley) représentent l’Angleterre ; Tom Fontana (Oz), David Simon (Treme), Ray McKinnon (Rectify) et Shawn Ryan (The Shield) incarnent l’armada américaine ; Adam Price (Borgen) parle au nom du Danemark ; David Elkaïm, Vincent Poymiro, Rodolphe Tissot, Bruno Nahon (Ainsi soient-ils), Frédéric Rosset (Irresponsable), Fabrice Gobert (Les Revenants), Anne Landois (Engrenages) et Fanny Herrero (Dix pour cent) se regroupent côté français.
Dans toutes les trajectoires, un point commun : la dureté et l’intensité d’un métier qui laisse souvent exsangue
Au travers de courts chapitres où s’enchaînent les points de vue et expériences, Langlais parcourt tout le spectre de création d’une série, de l’écriture à la postproduction, et même la réception. L’un des moments les plus intéressants concerne la naissance des idées et les contextes parfois très intimes dans lesquels elles apparaissent. On pense à Michaela Coel, violée en 2016.
“J’ai ressenti un besoin urgent d’écrire. J’ai eu besoin de partager ce qu’ont pu ressentir celles et ceux qui ont été victimes de viol, comme moi. D’apprendre, de comprendre, d’aller de l’avant, un épisode après l’autre.” Dans toutes les trajectoires, un point commun : la dureté et l’intensité d’un métier qui laisse souvent exsangue, comme le raconte très bien Fanny Herrero, qui a dû lutter pour Dix pour cent trois saisons durant pour imposer son travail et être considérée à part entière en tant que créatrice. Un sacerdoce dont nous profitons tous·tes de l’autre côté de l’écran.
Créer une série de Pierre Langlais (Armand Colin), 320 p., 22 €