Après le vote à l’unanimité du “projet 2012” par le Conseil national du PS, les socialistes peaufinent leur stratégie pour la primaire. Avant le depôt de candidatures, le 28 juin, chaque camp affûte ses thèmes. Revue des argumentaires.
[attachment id=298]Aubry, le PS, rien que le PS
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La première secrétaire savoure. Le projet du PS que tous les socialistes ont défendu – une gageure au PS – a été voté à l’unanimité. Un texte d’autant plus important que pour Martine Aubry, “le projet du PS et celui du candidat socialiste, c’est la même chose”. D’ici juin, elle le défendra au cours de plusieurs grandes rencontres avec les Français. Reprenant l’idée de Benoît Hamon, elle a aussi dépêché des élus du PS (Catherine Trautmann, Christophe Caresche…) à la rencontre des partis socialistes européens pour présenter les propositions du PS. Enfin, d’autres forums thématiques auront lieu, comme celui du 18 mai à Grenoble, sur l’avenir de l’université.
Depuis plusieurs semaines, un certain nombre de présidents de grands établissements (Paris-I, Paris-V, Cergy, ENS Cachan, Nantes, Toulouse, Strasbourg…) planchent avec le PS sur cette question de la réussite des étudiants, d’une meilleure orientation, du système des bourses…. Et si cette dernière séquence, d’avril à juin, est un succès, “si c’est convaincant…”, commentent plusieurs élus qui se sont engagés derrière elle, Martine Aubry pourrait vouloir faire un pas vers une candidature à la primaire du PS.
Dans ce contexte, elle devrait structurer son discours à coups de “redressement économique de la France”, de “justice sociale” et d’une “nouvelle étape démocratique”. Pas difficile d’imaginer que son slogan de campagne soit “la France qu’on aime”, tant elle le répète dans ses allocutions, certaine que 2012 se jouera sur les valeurs. Seules modifications qu’elle pourrait apporter par rapport du projet du PS : parler davantage de culture et aller plus loin sur la question du nucléaire. Mais d’ici juin, elle n’en finira pas de ne pas dire si elle est candidate…
[attachment id=298]DSK et son atterrissage
Alors, candidat ? “Deux mois et vous saurez”, s’amuse un proche. Mais si le patron du FMI revenait, est-ce que le projet du PS lui conviendrait ? Depuis sa présentation, tous les strauss-kahniens se sont employés à expliquer que le programme était “compatible pour tout le monde”. DSK pourrait faire ressortir le volet “économique et social”, précise un ami, avec notamment la réduction du déficit, pour tenter de le ramener sous la barre des 3 % du PIB, une façon de toucher l’électorat senior. Deuxièmement, la révision générale des politiques publiques, précise François Kalfon, proche de DSK, qui réfléchit sur ces questions pour son livre signé avec Laurent Baumel, L’Equation gagnante (éd. Le Bord de l’eau).
“On raisonne, commente-t-il, en termes de qualité des services publics”, avec des moyens mis sur l’éducation, la santé et la sécurité. Manuel Valls, candidat déclaré à la primaire, mais qui se retirera si DSK y va, planche d’ailleurs sur la question de la sécurité avec un livre à paraître le 21 avril. Bon choix pour la date ! Pour DSK, il existe une autre priorité, celle d’un nouvel acte de la décentralisation.
“Si la République tient encore, précise François Kalfon, c’est par ses territoires.” Enfin, “assumer une forme de patriotisme, ajoute ce strauss-kahnien, et ne pas se faire voler la laïcité par d’autres”. Reste pour le patron du FMI, le G8, le G20 et l’annonce de sa candidature, si elle a lieu, après discussion avec Martine Aubry.“La question de son atterrissage sera une vraie question”, explique-t-on dans son entourage. Certains n’ont aucune inquiétude et planchent sur des scénarios… sans vouloir en dire plus.
[attachment id=298]Hollande et l’international
Si François Hollande a répété que ce projet était “le projet des socialistes”, et que tous les candidats à la primaire devraient l’assumer, il a clairement répété que chacun serait libre de dresser “l’ordre des priorités, d’insister sur une orientation principale”. En somme, analyse son ami Michel Sapin, “tout le monde utilise les mêmes briques, ce qui change c’est le ciment”. Pour François Hollande, la priorité est connue de longue date : il s’agit de la jeunesse, portée par un “contrat de génération” et le”transfert d’expérience”. Si une entreprise embauche un jeune avant 25 ans et maintient son emploi jusqu’à ce que le senior chargé de sa formation puisse partir à la retraite, elle pourrait être exonérée de cotisations sociales sur ces deux contrats pendant trois ans.
Pour le député de Corrèze, cette question des jeunes doit être abordée dans sa totalité : formation, éducation, emploi, logement. Une façon de “donner à la jeunesse qui vient toutes les conditions pour réussir”. Deuxième priorité, “qui est une condition” : la réforme fiscale. “Elle est une structuration des autres réformes”, précise Michel Sapin. Troisième priorité pour Hollande : “un nouvel acte de décentralisation”, et enfin “le redressement productif : une stratégie industrielle” pour la France.
Outre plusieurs déplacements de terrain, à commencer par l’Oise, un grand meeting de lancement de campagne est prévu le 27 avril à Clichy (92), en banlieue parisienne, le jour du forum sur l’outre-mer organisé par le PS. De quoi faire grincer des dents rue de Solférino. Son équipe prévoit aussi plusieurs voyages à l’étranger : Tunisie, Grèce, Belgique et une virée au Parlement européen. Ses miles vont exploser !
[attachment id=298]Royal: boulot, boulot
Pour Ségolène Royal, ce projet du PS “est un socle commun (…). Il appartiendra ensuite à chacun et chacune de donner sa vision, ses priorités”, écrit-elle dans un message aux militants de Désirs d’avenir. Son axe de campagne est trouvé : elle veut être la candidate du peuple et des classes populaires, ambition évoquée lors de son déplacement de Bully-les- Mines en janvier. Dès lors, le fil rouge de “l’ordre juste”, l’axe central de sa campagne présidentielle en 2007, déjà cité en 1996 dans son livre La Vérité d’une femme, pourrait à nouveau servir de thème conducteur.
Une manière d’aborder les inégalités dans la mondialisation, et de parler pouvoir d’achat, logement, “sécurité pour les petites et moyennes entreprises” grâce à la banque publique d’investissement, “lutte contre les licenciements boursiers” et formation des jeunes. Des jeunes chez qui elle reste populaire, au moment où elle se voit devancée dans le reste de la population par DSK, Martine Aubry et François Hollande. Rien d’inquiétant pour son équipe : “On est imperméable au vent, qu’il soit favorable ou défavorable, ça glisse comme sur les plumes d’un canard !”
D’ailleurs pour son entourage, rien ne sert de partir trop vite, “il faut savoir gérer le temps dans une compétition”. Pour rappel pourtant, Royal est la première à s’être lancée dans la course. Une compétition préparée minutieusement. Premier défi : analyser le vote Marine Le Pen, grâce à une cartographie du vote FN. Deuxième tâche : l’organisation prochaine de plusieurs universités populaires. En somme, c’est boulot, boulot, boulot.
[attachment id=298]Montebourg, gauche toute
Si le député de Saône-et-Loire, candidat déclaré à la primaire, ne se désolidarise pas du projet du PS, qu’il juge comme “un compromis dans lequel tout le monde peut se reconnaître”, il considère qu’il faut aller plus loin. Dans une interview au Monde, Arnaud Montebourg estimait que le projet “ne traite pas d’un certain nombre de questions (…). Les audaces que j’aurais souhaitées ne sont pas au rendezvous”. Ainsi, les priorités d’Arnaud Montebourg reposent-elle sur un mot, la “démondialisation”. Un processus politique, qui s’accompagne pour lui d’une reterritorialisation de l’économie, avec entre autres le rapprochement des lieux de consommation et des lieux de production, la mutation écologique de l’économie, un renouveau productif, un retour du protectionnisme européen comme outil de reconstruction de l’économie française, et la mise en place d’un nouveau modèle de capitalisme coopératif, comme système alternatif au capitalisme financier.
En somme, “la politique redevient plus forte que l’économie”, explique pompeusement Arnaud Montebourg qui, comme Ségolène Royal, s’adresse en particulier aux classes populaires et aux classes moyennes. Outre des déplacements sur le terrain, le député multiplie les virées à l’étranger. La semaine dernière, il s’est rendu au Niger, à l’invitation du tout nouveau président Mahamadou Issoufou, pour parler, commente le secrétaire national du PS à la Rénovation, sur son blog “de politique et codéveloppement”, de “lutte contre le terrorisme et la fin de la prédation sur les matières premières africaines, pour initier une nouvelle voie (voix) de la France dans le monde”.
Marion Mourgue
(Photos: Martine Aubry par Robert Pratta, Dominique Strauss-Kahn par Charles Platiau, François Hollande par Régis Duvignau, Ségolène Royal par Gonzalo Fuentes, Arnaud Montebourg, Jacky Naegelen / Reuters)
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