A Liverpool, la confusion des genres est le sport local. Leçon de style avec Forest Swords.
Bien sûr, Forest Swords n’est pas tout à fait ce qu’on peut appeler une découverte ou un groupe à suivre, mais on se permet de tricher un peu à l’occasion de la sortie de son premier album, le grisant Engravings.
Forest Swords, c’est d’abord Tri Angle Records, génial label dont on a maintes fois fait les louanges ici, que ce soit pour Holy Other, Evian Christ ou Vessel, albums dont on ne s’est toujours pas dépêtré depuis un an. Forest Swords, c’est aussi surtout Matthew Barnes qui, à défaut d’être le cousin anglais de Kevin Barnes d’Of Montreal, est un producteur Liverpuldien aux doigts de fée (de sorcière ?).
Aussi éloigné que sa musique soit de celle de la tête pensante d’Of Montreal, les deux cerveaux possèdent pourtant un trait commun : le mélange des genres absolu, le don de la confusion. On ne saurait mettre un nom sur Forest Swords tant son électro chaotique et mouvante penche autant vers le post-dubstep que vers le r’n’b fantomatique, vers l’opéra que vers une pop déstructurée et franchement maudite. C’est d’ailleurs ce qui avait plu en 2010 à la sortie de son premier ep, Dagger Paths, lequel avait reçu les éloges d’à peu près tous les sites musicaux de la planète.
C’est donc sans surprise presque que le Britannique débarque en cette rentrée avec un premier album, Engravings donc, aussi brillant que ce qu’on avait entendu il y a trois ans. On y retrouve une sauvagerie subtilement domptée, un sens de la dramaturgie grandiloquent que seuls des beats tribaux viennent rendre humain (Irby Tremor), des boucles bruitistes, obsédantes et guerrières (Onward) qui percent la peau, la saigne à blanc. Il y a une certaine sensualité chez Forest Swords (An Hour), proche parfois de celle de son collègue de label Holy Other. Chez Barnes, le charnel se transforme pourtant vite en chaos, en caresse perverse. Ça brûle, ça pique, mais on en redemande.
Album Engravings (Tri Angle Records/La Baleine)