Et si, pour une fois, on parlait du quartier parisien de la Goutte-d’Or pour de bonnes raisons ? Pas seulement quand certains s’offusquent des prières de rue de musulmans, ou lorsque des militants d’extrême-droite y organisent des apéros “saucisson-pinard”.
Depuis le 5 avril, date à laquelle a débuté le débat sur la laïcité -heureux hasard du calendrier- c’est à travers le regard de Martin Parr que l’on peut découvrir ou redécouvrir le quartier parisien de la Goutte-d’Or, tout près de Montmartre et pourtant bien moins connu.
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Fin janvier, le célèbre photographe british de l’agence Magnum a passé une semaine “en résidence” à la Goutte d’Or, appareil photo en bandoulière, dans un périmètre réduit à quelques rues. Résultat : 2000 photos réalisées et 35 tirages dévoilés dans “The Goutte d’Or!”, une exposition installée à l’Institut des Cultures d’Islam (ICI), l’exposition se parcourt d’ailleurs un plan du quartier à la main.
L’univers était on ne peut plus nouveau pour celui dont les sujets de prédilection sont la mode, la pub et la société de consommation. Martin Parr s’est frotté ici aux scènes de la vie quotidienne d’un quartier populaire et métissé, et n’a pas hésité, par exemple, à passer du temps dans une mosquée, comme l’explique la directrice de l’ICI et commissaire de l’exposition Véronique Rieffel.
Pour autant, sur ce terrain original, l’artiste ne tombe pas dans le cliché. Lui préfère le démonter. Et il le fait sans difficultés lorsqu’il nous montre Éric Jelabale, charcutier depuis 17 ans, posant entre tirelire en forme de cochon et bouteilles de vin quand beaucoup imaginent que l’on ne peut acheter ni alcool ni porc dans un « quartier de musulmans ».
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Ou encore quand une musulmane, foulard et couronne des rois sur la tête, fête l’Epiphanie.
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Le photographe n’hésite pas non plus à franchir les portes des mosquées, de l’église, du temple hindou, du hammam et même d’un cabaret où des « ultra féminines » répètent en petite tenue. Ce mélange, il fallait le montrer explique Véronique Rieffel, pour qui « tout le monde cohabite en bonne intelligence » et qui souhaitait, à travers cet événement, sortir le quartier des clichés souvent véhiculés par les médias.
« Il m’est arrivé de tomber sur une image de la rue Myrha illustrant un sujet qui n’a pas lieu ici. En général, une émission sur l’islam ou la délinquance. »
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Fou d’ objets, Martin Parr a également immortalisé des théières en plastique, un ancien cinéma devenu bazar de chaussures et des mannequins portant le voile dans des échoppes baptisés « muslim fashionistas ». Au bout du compte, l’exposition « The Goutte d’Or! » parvient à mêler l’humour à une belle démarche.
Lisa Vignoli
« The Goutte d’Or ! » à l’Institut des Cultures d’Islam, 75018 Paris, jusqu’au 2 juillet
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