Cheveux longs, idées courtes : pour la traditionnelle fête de Jeanne D’Arc, Marine Le Pen demandait aux militants FN trop typés skinhead de faire un effort vestimentaire. Ils ont à moitié obéi.
« Marine c’est notre Jeanne d’Arc, elle va sauver la France. » Premier défilé du 1er mai du Front national sous la présidence de Sainte Marine. Le thème ? La liberté. Mais pas trop quand même. C’était la fête de la patronne, fallait pas la gâcher. Le défilé se devait d’être à l’image de la stratégie mariniste de dédiabolisation et d’ouverture du parti.
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Des consignes ont été données en amont aux secrétaires départementaux : faire gaffe au look des militants qui souhaiteraient prendre le bus pour monter à Paris.
« Marine Le Pen a prévenu que tout ce qui ressemble de près ou de loin à un skinhead sera exclu manu militari. Sont exclues toutes les tenues vestimentaires type treillis, Rangers, etc. », stipule un courrier de la direction.
Les jeunes au look skin, plutôt présents ces dernières années, n’étaient donc pas les bienvenus.
Comme on est un peu mauvaise langue, la première chose qu’on cherche dans la manif, c’est le skin. Pour ne rien vous cacher y’en avait pas mal. Les mauvais esprits s’amusaient même à remarquer que les treillis, casquettes et bérets étaient très tendances cette année chez les fans de Jeanne d’Arc.
« C’est ma tenue habituelle y’a pas de raison d’en changer, tout le monde porte des treillis », se justifie un sympathisant en pantalon militaire.
Un jeune de la sécurité en bombers-rangers : « ce n’est pas significatif d’avoir des rangers, ils en ont dans l’armée, dans les usines, sur les chantiers. » Plus loin, un groupe de Skins, peut-être un peu plus casual que d’hab. Pourtant, ils confirment bien être venus de province en bus affrété par le FN. Sans problème. « C’est pas les skins qui sont interdits, seulement le look« , explique l’un d’eux. Le secrétaire départemental ne devait pas s’y connaitre en skin. L’un d’eux porte en effet un blouson Thor Steinar, une marque néo-nazie importée d’Allemagne.
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Plus loin, les membres du FNJ et du service d’ordre (DPS) distribuent des tee-shirts la « France bleu Marine » à tour de bras. Ils ont deux avantages. D’abord, de faire grossir les troupes estampillées Marine Le Pen et de créer ainsi un sentiment de plébiscite, d’unanimité derrière la chef. Les FNJ, propres sur eux, conviaient au mégaphone tous les moins de trente ans à les rejoindre pour grossir leurs troupes.
Ensuite, de cacher ses vilains petits objets ou marques fachos que les médias ne sauraient voir : croix celtiques, tatouages, tee-shirts, ceintures 88 (soit Heil Hitler en langue skin). Rien n’est imposé, le service d’ordre demande gentiment. Aujourd’hui, ce sont les 23% de Marine dans l’opinion qui compte. Le reste c’est du folklore groupusculaire. Devant l’Opéra, les FNJ scandent « France Nation Révolution« , « le social c’est le FN » avant d’entamer la Marseillaise. Ils agitent des dizaines de drapeaux bleus, avec le mot liberté en imprimé.
Trois jeunes discutent. Luc, 17 ans, militent au FN depuis deux ans. Ses parents sont socialistes et ouvriers. Pour venir, il a dû leur dire qu’il allait à la messe.
« Un jour j’ai collé un sticker du FN dans ma chambre, j’ai pris une baffe. »
Il dézippe son sweet à capuche. Un tee-shirt France Bleue Marine apparait. « On le porte parce qu’il faut le porter, ils nous forcent un peu« , dit-il en rigolant, « mais il est moche. » Il n’aime pas non plus les nouveaux drapeaux bleus. Ça fait UMP. C’était mieux blanc-blanc-rouge. Plus clair. Et ce mot liberté dessus ? Pas très FN, la liberté. Ça fait socialiste. Il est un peu perturbé par les orientations de Marine Le Pen, mais tient à préciser que « le discours est différent dedans : il est plus dur ».
Il préfère Jean-Marie et Bruno Gollnisch, ex prétendant au trône.
« Ils représentaient plus les valeurs patriotique et catholique, Marine représente les Juifs et Israël, mais là où elle est bien c’est qu’elle rassemble beaucoup de monde. »
Si les idolâtres se pâment -« elle est belle« , « charismatique« -, ceux qui ne sont pas des gros fans reconnaissent qu’elle fait du bon boulot. Son discours social fait mouche. Elle draine large, rassure et attire des gens qui n’ont jamais voté FN. Comme Eric, 27 ans, prof d’histoire dans le Marais. Royaliste, il dit voter UMP par dépit mais est de plus en plus attiré par le FN.
« Le FN a plus de dignité que les bourgeois pourris par l’argent de Neuilly ou que les nouveaux riches. »
Il vit dans le 16eme dans un 30 mètres carrés. « C’est le seul quartier où on se sent bien dans Paris, dans le 18ème les rues sont dégueulasses et je ne parle pas de l’immigration ! Je ne suis pas raciste mais je suis contre l’invasion, c’est normal qu’il n’y ait pas un blanc dans le 93 ? Même mes élèves étaient choqués quand je les ai emmenés, ils s’amusaient à compter les femmes voilées ».
Selon la police, 3200 personnes ont défilé. Légèrement plus que l’année dernière. En tête, le cortège présidentiel était plus imposant que d’habitude et drainait l’attention médiatique. Marine Le Pen était entourée par un essaim de caméras et de photographes (en mode Ségolène Royal version 2007). Bruno Gollnisch, lui, est arrivé plus incognito.
La direction avait promis de mettre en avant les syndicalistes estampillés FN. Il y a bien ceux qui se sont fait jeter par leur syndicat, mais Fabien Engelmann a l’air bien seul à porter sa petite banderole. On est loin de la démonstration de force de l’entrisme FN dans les syndicats. « Daniel Durand-Ducaudin n’est pas loin« , précise Engelmann, « il y en a d’autres mais ils ne veulent pas venir par peur de se faire filmer et de se faire exclure« .
Il y aussi Annie Lemahieu en tête du cortège du Nord Pas de Calais. Et puis c’est tout. On attend les outings. Cette année, dans le cortège, il n’y a pratiquement que le FN qui est visible. Pas de groupuscules qui tendent des tracts, pas de groupes venus de l’étranger, pas de drapeaux d’autres organes. L’ancien skinhead et parrain des jeunes nationalistes révolutionnaires, Serge Ayoub, est resté discret, contrairement à l’année dernière.
En fin de cortège, il y avait bien le GUD, le PSF (parti solidaire français, un groupuscule néo-nazi), mais ils étaient tous deux bien encadrés par le DPS. Le message est clair :
« tu es toléré mais tu t’affiches pas et si possible tu respectes le dress code imposé par la nouvelle direction ».
Pour s’exprimer en toute liberté, les plus ultra attendent peut être le défilé du 9 mai (en mémoire de Sébastien Deyzieu, militant nationaliste mort dans une course poursuite avec la police en 1994).
A noter, la faible présence des cathos tradis intégristes. Sont-ils heurtés par le discours social, républicain et prolo de Marine Le Pen ? Où se sont-ils rendus à Rome pour la béatification du Pape Jean Paul II ? Difficile à dire. A noter également, le cortège était mois âgés que d’ordinaire et plus métissé socialement. Un sondage qui vient de paraitre dans Lyonmag montre que le FN devient un vote d’adhésion.
« Il se passe quelque chose avec les classes moyennes, pour qui le vote FN devient acceptable » constate pour Lyonmag le politologue Jean-Yves Camus. La vague bleue marine fait plutôt mal.
Anne Laffeter
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