Le 17 juin, des migrants tunisiens sont expulsés du bâtiment du 36 rue Botzaris, qu’ils squattaient depuis plusieurs semaines. Une poignée de militants s’est emparée de leur cas et a réussi à interpeller les journalistes en utilisant leur support favori : Twitter. En quelques jours, le sort des jeunes immigrés est devenu l’un des principaux sujets de discussion sur le réseau social.
« Hé dis, Rue89, tu veux pas faire un sujet plutôt que de parler de Tron?« , « Quelle télé veut itw les Tunisiens ?« , « ça serait bien que les médias viennent faire un tour MAINTENANT, ya les flics qui sont en train de détruire le campement« . Tous ces tweets sont suivis du mot-clef #Botzaris36. Qui est, depuis quelques jours, l’un des plus utilisés sur Twitter.
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#Botzaris36 ?
C’est le nom d’un immeuble du 19e arrondissement de Paris. C’est aussi l’ancien siège de la RCD, le parti de Ben Ali. Le 31 mai, une trentaine de migrants tunisiens investissent le bâtiment, dont trois mineurs. Ils sont expulsés par la police le 7 juin. Mais ils reviennent avant d’être définitivement mis dehors le 16. Entre-temps, le ménage aurait été fait. Un tiers des documents présents sur place auraient en effet été « évacués » par l’avocate franco-tunisienne Soumaya Taboubi. L’ambassade de Tunisie a également décidé d’annexer le bâtiment, lui donnant un statut diplomatique bien plus clair. Tous les ingrédients de la théorie du complot sont là.
Il y a deux problèmes dans #botzaris36 : le sort des migrants expulsés du bâtiment, qui vivent dans des conditions déplorables depuis une semaine. Et celui des archives, dont personne ne connaît réellement la teneur, l’importance ou la menace.
Emoi numérique
Interpellés par le drame humanitaire vécu par les migrants, des internautes – souvent des voisins – ont réussi à attirer l’attention des médias. Leur tour de force : la chronique de Guy Birenbaum, mardi matin. Le chroniqueur d’Europe 1 a consacré ses trois minutes d’antenne, des trémolos dans la voix, à raconter sa « rencontre ». En partant, il a « serré la main, sous la tonnelle » aux jeunes Tunisiens. Et quand on sait que le journaliste est plutôt adepte du poke, ça tient de la révolution. A partir de là, les médias défilent aux Buttes Chaumont.
Rue89, LCI, le Nouvel Obs, il y aura en tout plus d’une trentaine de sujets consacrés à #Botzaris36. D’autant plus que la police fait l’animation : destruction des campements, garde à vue des tunisiens, rondes régulières… Dernière démonstration en date, jeudi après-midi, la préfecture de police déplace sept camions de gendarmes mobiles pour encadrer une soi-disant manifestation (alors qu’il n’y a personne).
Chaîne de solidarité virtuelle
Sur le Net, le soutien s’organise. Toutes les 15 secondes, un nouveau tweet vient actualiser la situation ou apporter son lot de commentaires. Un site web a été créé, les internautes passent la nuit sur place et une chaîne de solidarité s’est mise en place, appelant à transporter des vivres, des couvertures ou des sacs de couchages pour les jeunes migrants, qui dorment dehors depuis une semaine. A cette mobilisation sont venus se greffer pêle-mêle les indignados, les libertaires et les voisins du quartier. Tout Twitter est venu s’émouvoir de ces 30 Tunisiens. Et les militants en rajoutent. Ils interpellent les médias, quitte à faire du chantage au scoop.
Et tous les arguments sont bons pour interpeller. Même les plus farfelus.
Les autorités – la Mairie de Paris et la préfecture de police se renvoient la balle, tandis que les politiques commencent doucement à réagir. Numériquement. Cécile Duflot a publié un communiqué sur le site d’Europe Ecologie. Roger Madec, le maire du 19ème, publie un billet sur son blog. Quand à Nicolas Dupont-Aignan, il interroge les twittos directement sur le réseau social
Pierre Henry, de l’association France Terre d’Asile estime le nombre de Tunisiens à Paris à environ 800. Une centaine d’entre eux est hébergée par l’association dans des hôtels, d’autres par l’association Aurore ou encore au gymnase de la Fontaine au Roi, mis à disposition par la mairie du 11ème arrondissement. Beaucoup dorment encore dans la rue.
« Le gouvernement les laisse dans l’errance urbaine la plus totale, au nom de la sécurité supposée des Français. Alors que cette errance est finalement productrice de beaucoup d’insécurité« , regrette le porte-parole de l’association.
Pour certains, l’envie de rentrer au pays se fait sentir. Abdel, 32 ans, le doyen des #Botzaris36, est « fatigué ». il attend d’obtenir une aide au retour « pour retourner au bled« . Et son cas est loin d’être isolé. « Près d’un tiers des Tunisiens veulent rentrer chez eux », confirme Pierre Henry.
Cerise Sudry-Le Dû
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