Selon une théorie de plus en plus répandue sur Internet, l’imagerie et la morale du film V pour Vendetta écrit par les Wachowski auraient influencé les révolutionnaires égyptiens.
Peu après la Révolution égyptienne du 25 janvier (ou Révolution du Papyrus), qui provoqua la démission d’Hosni Moubarak et un changement de régime, les médias occidentaux se sont interrogés sur les influences culturelles des soulèvements populaires. Tous s’accordèrent plus ou moins sur les grandes figures historiques de la désobéissance civile : Martin Luther King dont les théories avaient été retranscrites en langue arabe dans des comic-books, ou le politologue américain Gene Sharp, dont l’essai De la dictature à la démocratie était traduit et diffusé sur Internet.
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Mais une autre figure de la désobéissance, héritée cette fois-ci de la culture pop, aurait aussi inspiré ces mouvements révolutionnaires. Une influence plus secrète, moins pacifique, dont on retrouve les traces sur les photos des manifestations diffusées via Twitter et Facebook : le masque blanc surmonté d’un chapeau noir de Guy Fawkes, symbole du célèbre terroriste de V pour Vendetta. Le film polémique de James McTeigue, produit et écrit par les frères Wachowski, aurait été, selon une théorie de plus en plus répandue sur Internet, une influence majeure des révolutionnaires égyptiens.
http://youtu.be/PVq8z1CidD0
Une sortie discrète en Egypte
Adapté d’un graphic novel de l’écrivain anarchiste Alan Moore (aussi scénariste de Watchmen), le film V pour Vendetta suivait les aventures du combattant de la liberté V, sorte de croisement romantique d’Edmond Dantès et de Guy Fawkes (révolutionnaire britannique du 16e siècle). Dans une société londonienne futuriste (2038), gouvernée par un Etat fasciste, le personnage du film pratiquait la lutte terroriste pour fragiliser le régime : prise d’otages, piratage des médias, attentats ciblés contre des bâtiments officiels.
Sorti en 2006 au cinéma, le film de James McTeigue, désavoué –comme toujours- par Alan Moore, créa une polémique sans précédent : les fans les plus hardcores du graphic novel et certains libertariens (le groupe New York Metro Alliance of Anarchists) dénoncèrent cette « vision aseptisée de la révolution ». Inversement, le film s’attirait les foudres de plusieurs groupes chrétiens conservateurs, qui voyaient dans le personnage de V un éloge inconscient du terrorisme. Dans une tribune publiée sur le site du WorldNetDaily, le président de la Christian Film and Television Commission, Ted Baehr, s’emportait violemment contre le film :
« V pour Vendetta est un vil et pro-terroriste essai de néomarxiste de gauche rempli de propagande radicale sur la politique sexuelle et d’attaques sur la religion et le christianisme. »
En Egypte, V pour Vendetta était distribué sur un nombre de copies limité mais réussit à engranger plus de 57 000 dollars de recettes au box-office. Passé plutôt inaperçu, le film de James McTeigue allait pourtant rester dans les mémoires des égyptiens, jusqu’à devenir, quatre ans plus tard, l’un des symboles des révolutions. C’est le site d’opinion sur le monde arabe Jadaliyya le premier qui a révélé les étonnantes correspondances entre le film et les mouvements protestataires, confirmées plus tard par un essai publié sur le site du Chicago Sun Times.
Des images et des mots
Alors que les mouvements de désobéissance civile se multipliaient en Egypte, le Jadaliyya note ainsi que certains protestataires commencèrent à exploiter l’imagerie anarchiste de V pour Vendetta. Sur l’une des pages Facebook les plus actives du mouvement, We Are All Khaled Said (référence au martyr Khaled Said, battu à mort par la police en juin 2010), un internaute publiait une vidéo qui allait devenir un hit du web en Egypte: Khaled For Vendetta. Un montage d’images du film de James McTeigue et de vidéos de manifestations égyptiennes qui se concluait par le sigle V.
Pendant les manifestations, des opposants au régime se faisaient photographier avec le masque de Guy Fawkes, et partout sur Internet des photomontages empruntant quelques images du film étaient diffusés : le fameux masque confondu avec un pharaon ; ou le terroriste V en train d’agiter une pancarte devant une mosquée. Si l’imagerie anarchiste de V pour Vendetta a inspiré les opposants égyptiens (après avoir déjà été récupérée par la communauté Anonymous), le film a aussi offert quelques mots d’ordres aux révolutionnaires.
Une phrase du prologue du film (« Souviens toi, souviens toi du 5 novembre » en référence à l’attentat fomenté par Guy Fawkes) est ainsi devenue un gimmick des manifestations (« remember, remember the 25th of January », pouvait-on lire sur les pancartes). Mais c’est surtout la morale du film, citée par V dans une scène célèbre, qui aura marqué la révolution égyptienne :
« Les peuples ne devraient pas avoir peur de leur gouvernement, les gouvernements devraient avoir peur de leur peuple ».
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