La confession en six volumes de cet écrivain norvégien Karl Ove Knausgaard, intitulée Mon combat, s’est vendue à un million d’exemplaires dans le monde, obtenant en particulier un gros succès en France et aux Etats-Unis. Mais pourquoi tant d’amour ?
En rédigeant ses mémoires, Karl Ove Knausgaard ne se doutait pas qu’il deviendrait un phénomène mondial (à moins d’avoir été très prétentieux). En six volumes, dont le troisième paraît en France, et 3 500 pages, il relate sa vie en Norvège, des années 1970 à aujourd’hui.
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Si La Mort d’un père et Un homme amoureux abordaient sa vie d’adulte, Jeune homme opère un flash-back dans l’enfance. Le récit limpide, attachant et viscéral n’explique pas totalement son succès. Pourquoi un tel enthousiasme pour cette autoanalyse ? Comment expliquer les centaines de milliers de ventes en Norvège et à l’étranger, ou le fait que Knausgaard, surnommé “le Proust norvégien”, soit devenu le nouveau chouchou des Etats-Unis ?
1. Il est “authentique”
A l’heure des faux-semblants politiques et des avatars du web, où la notion de vérité est diluée dans une avalanche d’informations, le Norvégien incarne une voix sincère. Un homme, seul, “à nu”, nous raconte sa life, instaurant avec son lecteur un pacte de transparence : “Aujourd’hui, nous sommes le 27 février 2008 et il est 23 h 43. C’est moi, Karl Ove Knausgaard, né en décembre 1968 et donc dans ma trente-neuvième année, qui écris.” En jetant un œil en arrière, on se rend compte que la recette ne date pas d’hier : “J’ai promis de me peindre tel que je suis” (Rousseau) ; “Longtemps, je me suis couché de bonne heure” (Proust), etc.
2. Il sent le soufre
A tout prodige littéraire, son scandale. Dès la sortie du livre (entre 2009 et 2011 en Norvège), l’écrivain s’est attiré les foudres de sa famille paternelle. Choquée par ce déballage, celle-ci a condamné l’ouvrage, qualifié de “littérature de Judas”, dans la presse. Des journalistes norvégiens ont enquêté sur la vie de l’auteur afin d’authentifier sa prose, façon fact-checking – méthode odieuse dont Edouard Louis, avec En finir avec Eddie Bellegueule, a également fait les frais en France. Il faut dire, pour justifier en partie cette fronde familiale, que Knausgaard brosse un portrait de son père en bonhomme autoritaire et alcoolique, pas du tout sympa.
3. Il a une trogne
Cheveux longs, visage émacié, on le voit souvent clope au bec sur les photos. Avec son physique de chanteur de pop anglaise des années 1990 (qui aurait pris pas mal de LSD), son parler-vrai, Knausgaard incarne un profil d’écrivain déchu qui aime tailler la route, jouer les vagabonds et prendre des cuites – dans la lignée de Kerouac, London ou Hemingway. D’où la proposition du New York Times de l’expédier sac au dos dans le nord des Etats-Unis, pour une traversée sur les traces des Vikings – relatée dans un longread en ligne sur leur site, côtoyant un article élogieux sur son travail signé Jeffrey Eugenides. Côté projets perso, après avoir annoncé sa retraite anticipée, l’écrivain a fondé en Norvège sa propre maison d’édition, et vient de publier une nouvelle série aux accents oulipiens, Les Quatre Saisons, en hommage à sa fille. Une jolie manière de poursuivre cette success story éditoriale.
Mon combat, III – Jeune homme (Denoël), traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet, 592 pages, 24,50 €
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