A l’occasion du Salon du livre, les Inrocks vous proposent leur bibliothèque subjective : une sélection d’essais, de romans et de BD. Retrouvez les Inrocks au Salon du livre sur le stand W69. Au programme : des rencontres avec Emmanuel Carrère, Zakhar Prilepine et Jean-Philippe Toussaint et des séances de dédicaces avec des journalistes de la rédaction. Retrouvez le programme en bas de l’article.
Les Amateurs de Brecht
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Evens Pieterjan, artiste loser à la ville, devient l’invité d’honneur d’une biennale d’art bricolée à la campagne. Propulsé au milieu d’amateurs en tous genres (l’artiste fou, l’introverti, le métaphysique, le clown triste), il est galvanisé par un charisme inédit et excité par la perspective de séduire une journaliste. Une situation qui pose la question de l’ambiguïté des rapports humains et permet à Brecht Evens d’interroger l’art contemporain dans une mise en scène très personnelle.
Actes Sud traduit du néerlandais par Vaidehi Nota et Boris Boublil, 120 pages, 25€
La Vie avec Mister Dangerous de Paul Hornschemeier
Amy, jeune femme solitaire engluée dans son quotidien et obsédée par son dessin animé fétiche, Mister Dangerous, s’évade dans un monde imaginaire peuplé de petits personnages mignons et faussement réconfortants. De son trait limpide, Paul Hornschemeier saisit sur le vif les tourments des jeunes adultes dans les décors ternes d’une Amérique sans joie… Un récit intelligent et poignant sur la façon de prendre son existence en main et d’affronter la réalité.
Actes Sud BD traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro, 160 pages, 21,50 €
Mélancolie, essai sur l’âme occidentale de László F. Földényi
La mélancolie passée au crible de la philosophie à travers cet essai lumineux écrit il y a trente ans par le philosophe hongrois László F. Földenyi. Confronté à l’absence de définition rigoureuse, l’auteur tente d’en saisir, à travers les âges, les formes évolutives et les traits communs. Il explore sa longue histoire à travers ses motifs dans la peinture, ses expressions dans la musique, sa théorisation psychanalytique tout en se tenant à un cadre purement philosophique. Actes Sud, 352 pages, 25 €
Le Petit Cirque de Fred
Les pérégrinations d’un couple de saltimbanques et de leur petit garçon qui croisent sur leur chemin des acrobates siamois, des funambules migrateurs, des bourreaux… Ces étranges rencontres sont prétextes à une succession d’aventures poétiques en deux pages. Paru pour la première fois dans Hara Kiri, Le Petit Cirque de Fred, qui incarne avec acidité les noirceurs de la vie, est réédité dans une splendide version restaurée qui rend honneur au dessin et aux couleurs sépia des lavis.
Dargaud, 60 pages, 13,99 €
Les Ignorants – Récit d’une initiation croisée d’Etienne Davodeau
Un dessinateur de bande dessinée et un vigneron décident de passer un an côte à côte pour s’instruire l’un et l’autre des mystères et des joies de leur activité professionnelle. Etienne Davodeau réussit ce qu’il n’avait pas réalisé depuis fort longtemps : un document aux ambitions sociales et politiques qui ne sombre ni dans le cliché ni dans la caricature, entraîné par cette esthétique qui lui est propre, le plus souvent exaltée.
Futuropolis, 267 pages, 24,50 €
Total Swarte de Joost Swarte
Recueil de courts récits de Joost Swarte, maître néerlandais de la ligne claire à l’instar d’Hergé. Menées sur un rythme trépidant, ses histoires mêlent action, naïveté bon enfant, humour à froid et gags absurdes. Mais sous leur candeur se cache un univers complexe et délirant avec du sexe, de la folie, des serial-killers… Joost Swarte joue sur ce décalage entre la forme et un fond plus grinçant, et égratigne avec malice Tintin, dont son héros, Jopo de Pojo, est le double indolent.
Denoël Graphic, traduit du néerlandais et de l’anglais par Daniel Cunin, Corinne Julve et Lili Sztajn, 144 pages, 25 €
Lemon Jefferson et la grande aventure de Simon Roussin
Dans un monde postapocalyptique gouverné par le sévère Capitaine masqué, Lemon Jefferson, son second, s’oppose à ses méthodes tyranniques et se rallie aux rebelles. Humour absurde, armes vintage et couleurs pop : Simon Roussin renouvelle avec brio le récit d’aventures tendance Jules Verne à travers une mise en scène et une narration très cinématographiques qui enchaînent coups de théâtre improbables et rebondissements en cascade.
Editions 2024, 72 pages, 19€
Les Professionnels de Carlos Giménez
Giménez raconte ses débuts en BD au milieu d’une bande de dessinateurs installés dans le Barcelone des années 60. Affranchis du poids et des peurs de la dictature franquiste, étrangement protégés de la société civile par les murs de leur studio, ces joyeux drilles ne se soucient que de blagues de mauvais goût et de batifolage. Ce nouveau chapitre de son autobiographie prouve encore une fois que la vie de Giménez est toujours liée à l’histoire noire de son pays et à son moyen d’expression, la bande dessinée.
Fluide Glacial traduit de l’espagnol par Richard Lobet, 336 pages, 35 €
Ovnis à Lahti de Marko Turunen
Un martien nain, sorte de figurine de Roswell, vit en ménage avec une sculpturale superhéroïne dotée de superpouvoirs, mais touchée par une tumeur au cerveau. Dans un noir et blanc chargé de contrastes et de malaises, ces êtres insolites (qui rappellent les jouets de notre enfance) vivent des aventures faussement extraordinaires dans une Finlande implacable et morne. Un coup de génie signé Marko Turunen, poète génial et injustement ignoré.
Fremok, traduit du finnois par Kirsi Kinnunen, avec la collaboration du Professeur A, 252 pages, 26 €
Haddon Hall – Quand David inventa Bowie de Néjib
David Jones, boulimique d’expériences et de rencontres, et sa femme Angie (celle de la chanson des Stones) reçoivent dans un manoir délabré de la banlieue londonienne d’autres wannabes tel Syd Barrett, Marc Bolan, Jimmy Page, Mick Jagger… C’est là qu’il se cherche puis se concentre enfin sur sa seule musique et devient David Bowie. L’album retrace d’un trait nerveux, sec et pop cette (space) odyssée à la fois dramatique et joviale.
Gallimard, 144 pages, 19 €
Le Sens du peuple – La gauche, la démocratie, le populisme de Laurent Bouvet
En cette période électorale, l’idée de peuple revient sur le devant de la scène politique. Dans son essai, le politologue Laurent Bouvet consigne avec lucidité les errements de la gauche dans son rapport à la question de la domination sociale et insiste sur la nécessité de renouer avec les catégories populaires. Une démonstration d’inspiration néorépublicaine quelque peu fragilisée par son rejet sans nuance de la différence identitaire et du multiculturalisme.
Gallimard/Le Débat, 296 pages, 18,24 €
Enigmes et complots – Une enquête à propos d’enquêtes de Luc Boltanski
Notre temps saturé d’informations semble un terrain privilégié pour la prolifération de “théories du complot” et, de Matrix à American Psycho, l’art s’est emparé de ce doute inquiétant. Dans cet essai, le sociologue Luc Boltanski remonte aux origines de cette pathologie de notre société via la fiction qu’elle génère avec la naissance du roman policier – qui coïncide curieusement avec l’invention de la paranoïa en psychiatrie – et du roman d’espionnage.
Gallimard, 480 pages, 23,90 €
Les Airs de famille – Une philosophie des affinités de François Noudelmann
A tous ces gens qui répètent “Qu’est-ce que tu ressembles à ton père !”, on conseille cet essai de Noudelmann qui interroge ces “analogies de surface”, pour en apprécier la fragile évidence et surtout mesurer combien elles restent limitées comparées aux affinités électives, celles que l’on construit par-delà les anatomies. Se référant à Darwin, Goethe, Wittgenstein, Bourdieu, Deleuze et Guattari, le philosophe cherche à repérer d’autres grammaires de construction des liens de parenté que celle de la reproduction génétique.
Gallimard, 318 pages, 19 €
Une année studieuse de Anne Wiazemsky
Un an avant Mai 68, Anne Wiazemsky épouse Godard et joue dans La Chinoise. Cette année charnière est relatée dans ce roman. Anne a 19 ans et sort du chemin tout tracé d’une vie bourgeoise (son grand-père s’appelle François Mauriac) par la grâce de l’amour et le choc du cinéma. On y découvre Nanterre et ses jeunes anarchistes, on y croise toute la Nouvelle Vague et on y vit les balbutiements de Mai 68… Le tout sans pesanteur grâce à la fraîcheur et à l’insouciance d’une jeune femme qui goûte au vent de la liberté.
Gallimard, 272 pages, 17 €
Désaccords imparfaits de Jonathan Coe Jonathan
Coe met en scène de subtils tête-à-tête avec des fantômes dans ce recueil de trois nouvelles écrites dans les années 90. L’absence est au coeur de ces histoires de deuil familial, d’idylle fantasmée ou de brève rencontre lors d’un festival de cinéma. Coe excelle dans l’art très anglais de colorer des vies grises et d’étoffer par la rêverie des destins lacunaires. Agrémenté d’un article sur Billy Wilder et La Vie privée de Sherlock Holmes, ces Désaccords imparfaits ne contiennent aucune fausse note.
Gallimard traduit de l’anglais par Josée Kamoun, 104 pages, 8,90 €.
La Veuve enceinte – Les dessous de l’histoire de Martin Amis
En 1970, Keith Nearing, 21 ans, se retrouve à passer ses vacances dans un château italien entouré de trois filles. Miroirs les uns des autres reflétant chacun leur frustration respective, ils tentent de s’aimer à l’aune de leur nouvelle liberté. Martin Amis décrit dans ce roman le choc que fut la révolution sexuelle pour des jeunes qui n’y étaient pas préparés, assénée davantage comme une théorie que comme une pratique, et fait le récit d’un échec qui marquera leur vie entière.
Gallimard, traduit de l’anglais par Bernard Hoepffner, 544 pages, 27 €
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