Coup de folie pour le fondateur de l’ONG Invisible Children, Jason Russell, à l’origine de la campagne virale Kony 2012. Retour sur son parcours et son implication émotionelle dans sa quête militante.
Jason Russell, le réalisateur de la vidéo Kony 2012 et fondateur de l’ONG Invisible Children, a été hospitalisé la semaine dernière. Il souffrirait « d’épuisement, de déshydratation et de malnutrition » selon les docteurs. Arrêté en sous-vêtements dans la rue à San Diego, il est au cœur d’une tempête médiatique liée à son mini-documentaire sur la situation en Ouganda.
[attachment id=298]
Selon un communiqué de sa femme, Jason Russell souffre d’un « trouble psychotique » provoqué par le choc émotionnel face aux critiques que suscite le documentaire Kony 2012.
La vidéo réalisée par Jason Russell a été diffusée dans le cadre de la campagne Kony 2012 visant à attirer l’attention sur les actes du chef rebelle ougandais Joseph Kony, qui aurait enrôlé de force des enfants dans son armée depuis la fin des années 80. Recherché pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité depuis 2006, Joseph Kony semble avoir disparu et se cacherait en République centrafricaine.
Dans la vidéo Kony 2012, Jason Russell expose son intimité : la naissance de son fils Gavin, ses passions, sa vie à San Diego. Puis il décrit une autre rencontre qui a eu lieu dix ans plus tôt: celle de Jacob, alors enfant soldat en Ouganda. Jacob a vu son frère se faire trancher la gorge par les rebelles menés par Joseph Kony. Son histoire touche Jason Russell qui décide de s’impliquer totalement dans le combat pour améliorer la condition des enfants ougandais.
Mise en ligne le 15 mars, la vidéo provoque une tempête médiatique. Elle été vue par plus de 90 millions de personnes en deux semaines, devenant la vidéo la plus virale du net. Un coup d’éclat pour Invisible Children qui a reçu des centaines de milliers de dollars de dons. Le gouvernement américain, l’Onu et le porte parole de Barack Obama a salué l’ampleur de la mobilisation.
Malgré ses avancées, l’ONG est aujourd’hui très critiquée : la vidéo n’évoque pas les exactions du gouvernement ougandais, ni la complexité de la situation du pays. Situation qui aurait évolué depuis la réalisation du mini-documentaire : selon un article du Monde, Kony ne serait plus à la tête que d’un groupe d’environ deux cents miliciens. Le Premier ministre ougandais s’est même exprimé pour défendre le calme de la situation dans le pays.
Le décalage entre le documentaire de Jason Russell et le sentiment des Ougandais s’est aussi manifesté lors de la projection de la vidéo en Ouganda le 15 mars dernier. Les réactions ont été violentes, selon un reportage de la chaine Al Jazeera. Le journaliste présent sur place a fait état à un début d’émeute, décrivant des spectateurs lançant des pierres sur l’écran.
Choqué, Jason Russell aurait alors entamé une tournée des médias américains pour défendre son documentaire. Dans une vidéo, il revient sur les accusations de détournement et soutient que les comptes d’Invisible Children sont transparents et ne profitent pas d’un enrichissement au détriment des actions locales en Ouganda.
Dans une interview au Nouvel Observateur, Anneke Van Woudenberg, chercheuse à Human Rights Watch, attire l’attention sur cette nouvelle forme d’activisme qui « joue sur les émotions ».
Léa Lefèvre