A la fois creux et alambiqué, le cinéma toujours plus déconnecté de Laetitia Masson.
Ça commence comme une partie de Cluedo : est-ce que Marguerite Marquet, la cuisinière (Hélène Fillières), a tué son patron (Marc Barbé) ? Un inspecteur de police apparemment célibataire et un peu étrange (Denis Podalydès), fasciné par Marguerite, la suit partout, y compris dans les maisons où elle se faufile parfois. Un avocat (Jérémie Renier) est nommé pour défendre la veuve de la victime, suspectée d’être l’auteur du crime. Avec sa femme un peu spéciale (Amira Casar), ça ne va pas bien du tout, ils ne se comprennent plus… De temps en temps, dans un coin du plan, traîne un livre : L’Amant de Lady Chatterley… Laetitia Masson, qui a mis en scène Johnny Hallyday dans l’un de ses films (Love Me, en 2000), semble avoir adopté sa devise : “Exister, c’est insister.” Mais elle a tendance à confondre “insister” et “persister dans son erreur”…
De film en film, elle continue à édifier des dispositifs cinématographiques alambiqués et sophistiqués, sans queue ni tête, pour ne pas montrer grand-chose de bien passionnant ou d’inédit. On comprend bien sa démarche, tout à fait légitime et respectable : éviter le naturalisme, trouver une certaine stylisation. Mais ce qu’elle propose en échange – de la pose artiste, des plans chichiteux, de la confusion – n’est guère affriolant, c’est le moins qu’on puisse dire. Comment pourrions-nous nous intéresser à des personnages qui ne sont que de pures abstractions pseudo-poétiques, assez irritantes, perdues dans des décors totalement sordides ?
Alors il est possible, on en a parfois l’impression, que Masson ait voulu réaliser une sorte d’“anti-Lady Chatterley”, un film qui dirait que l’amour est impossible, une illusion, que la fusion est chimérique et que ceux qui soutiennent le contraire nous mentent ou se trompent – le film débute par un exposé en voix off du philosophe Michel Onfray sur l’amour, cette éternelle et absurde quête de notre moitié perdue… Pourquoi pas ? Mais le résultat est tellement glissant, informe et gélatineux, tellement plein de manières horripilantes et de truismes par tombereaux, que le seul désir qu’il procure est celui de s’enfuir à toutes jambes de ce monde insupportable…
Alors nous aussi, nous allons persister et signer pour survivre un peu : le jour où Laetitia Masson – qui ne manque pas de talent mais qui n’a sans doute pas assez confiance en elle et dans le cinéma – se résignera à réaliser des films plus… humbles (ce qui n’est pas synonyme de banal), elle aura fait un grand pas.