Trente ans avant « Million Dollar Baby », Eastwood s’essayait (avec succès) à une histoire d’amour improbable entre deux personnes que tout sépare.
Trente ans avant Million Dollar Baby, Eastwood s’essayait (avec succès) à une histoire d’amour improbable entre deux personnes que tout sépare.
Troisième film d’Eastwood, réalisé après Un frisson dans la nuit et L’Homme des hautes plaines, Breezy est probablement son moins connu, ce qui lui donne un charme supplémentaire. Mais il n’en a pas vraiment besoin. Il suffit de regarder, aux premières images, la jeune fille aux cheveux longs, main sur son chapeau et guitare en bandoulière, dévaler la pente d’une colline d’Hollywood dans la brise chaude et odorante d’un matin californien, pour avoir envie d’en savoir plus. Ce sera une histoire d’amour, une vraie : improbable, évidente.
Les deux personnages sont tellement aux antipodes l’un de l’autre que c’en est presque une caricature : elle a à peine 20 ans, il est quinquagénaire ; elle est hippie, il est agent immobilier ; elle est aussi volubile et optimiste qu’il est taciturne et désabusé…
Mais ce qui est bien loin de la caricature en revanche, c’est la façon dont Eastwood observe et orchestre, pas à pas, leur rapprochement. Dans la grande maison de verre et de pierre du minéral William Holden, l’organique Breezy (Kay Lenz, d’une fraîcheur rare) se démène autour de lui, parle sans cesse, argumente, rejette en bloc son rejet à lui, force l’intimité à s’installer coûte que coûte, au détour d’un petit déjeuner, ou pendant qu’il se rase. C’est très beau de la voir conquérir, peu à peu et par la parole, son droit d’être là, simplement à côté de lui.
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Lors de la précédente ressortie en salle de Breezy, il y a près de dix ans, Million Dollar Baby n’existait pas encore. Aujourd’hui, les deux films apparaissent très nettement comme un diptyque, deux histoires où jeunes femmes et hommes mûrs ne savent pas s’ils s’aiment comme père et fille ou s’ils s’aiment d’amour. La ressemblance entre Hilary Swank et Kay Lenz est frappante : même front têtu, même bouche charnue dans une mâchoire carrée. Dans Million Dollar Baby, la brise insouciante de l’utopie seventies est tombée, Eastwood est enfin assez vieux pour le rôle confié à William Holden plus de trente ans auparavant, l’ambiguïté sexuelle a disparu, et la mort est au bout du chemin.
Si le cinéma d’Eastwood était une journée, disons que Breezy en serait le matin, et Million Dollar Baby le soir.
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