L’Asie demeure une région de création ciné incroyablement féconde du côté des “trois” Chine, mais c’est désormais de l’empire du Milieu que proviennent les propositions les plus neuves et stimulantes. Dans la foulée du grand Jia Zhang Ke, on avait découvert le passionnant Wang Bing, et c’est maintenant le nouveau venu Diao Yinan qui sort […]
L’Asie demeure une région de création ciné incroyablement féconde du côté des “trois” Chine, mais c’est désormais de l’empire du Milieu que proviennent les propositions les plus neuves et stimulantes. Dans la foulée du grand Jia Zhang Ke, on avait découvert le passionnant Wang Bing, et c’est maintenant le nouveau venu Diao Yinan qui sort du rang. Présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard, Train de nuit aurait pu prétendre décrocher le Prix de cette sélection par sa rigueur plastique bressonienne, son mystère antonionien, ses décors industriels rappelant Wang Bing, ou la cinégénie de ses acteurs.
Train de nuit entrecroise plusieurs récits qui forment une boucle. Celui du travail singulier d’une jeune femme, huissier de justice dans un tribunal où l’on juge les femmes accusées de crimes passionnels ; celui de la vie privée triste et solitaire de cette jeune femme, qui fait de longs trajets en train pour se rendre à des soirées dansantes pour célibataires ; et enfin, sa rencontre avec un jeune homme, que l’on découvrira être l’époux d’une des détenues dont elle s’occupe.
A travers ces récits, Diao Yinan explore diverses questions assez universelles : la violence des sentiments, la peine de mort, la solitude contemporaine des individus dans des sociétés de plus en plus atomisées, la possibilité de la rédemption. Comme dans la plupart des films de la nouvelle vague chinoise, Train de nuit s’appuie sur un fond de sauce puissamment documentaire et montre les quartiers populaires, les dancings de province assez glauques, des usines désaffectées très évocatrices. Mais cette matière documentaire est passée au filtre d’une esthétique assez forte et cohérente, fondée sur la précision du cadre, le juste dosage des durées, la qualité des silences et la beauté constante des clairs-obscurs. La tentation d’une beauté un peu suffocante et le risque de modernité académique sont contrecarrés par la force de l’histoire, la puissance des acteurs qui passent par tous les états d’un bout à l’autre du film, et la complexité des sentiments qui tissent leurs relations. On garde de ce film au beau titre truffaldien le souvenir assez prégnant et durable d’une Chine hivernale, neigeuse, d’un gris bleuté, mélancolique, empêtrée dans les effets brutaux de l’évolution économique, mais où le cœur et le corps des êtres pulsent aussi violemment que partout ailleurs.
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