Pour l’analyste politique Dominique Reynié, le réseau de microblogging est devenu un outil “indispensable”.
Twitter est-il « politique » ?
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Dominique Reynié – C’est un véritable espace public, très ouvert, très réactif. Chacun peut interpeller les membres de la communauté, poser une question ou y répondre. Et en direct. Ça rend la politique ouverte au groupe de celles ou ceux qui veulent s’y intéresser, sans l’effet aristocratique qu’il peut y avoir dans la presse.
On trouve aussi du bavardage.
Et de la mise en cause personnelle, du militantisme, de l’imitation, du suivisme… la vie politique même. Parfois, c’est violent. Ce genre d’expérience fait comprendre la nécessité des médiations, pour trier et hiérarchiser. On trouve aussi de vraies discussions et les liens permettent d’aller au-delà de l’extraordinaire brièveté de l’énoncé. C’est un point de vue indispensable sur la société.
Indispensable ?
Je me demande même comment on faisait avant. Je ne peux plus suivre un meeting ou une émission à la télé sans suivre le fil.
Pourriez-vous établir une sorte de typologie dans la façon dont les politiques se servent de cet outil ?
Une typologie, non. En revanche, les politiques ou leur équipe ont tort de s’occuper de Twitter. Ils risquent d’enfermer la politique dans l’instant.
Et la possibilité de ne plus passer par les intermédiaires, analystes, journalistes ou communicants ?
Twitter correspond à la réactivation d’un mythe de l’accès direct de l’information à tout le monde. Ce mythe est en train de vivre un échec. Un ministre qui voudrait répondre, via Twitter, aux sollicitations, interrogations ou mises en cause serait saturé.
Eric Besson répond beaucoup aux gens…
Oui bien sûr, il peut répondre dans la journée à dix ou quinze personnes, pas à trois mille.
Le réseau change-t-il d’échelle ?
Le nombre de connectés a considérablement augmenté avec la campagne. En réalité, ça a commencé dès la primaire socialiste. L’étendue de la communauté va bientôt rendre impossible les relations existantes quand elle était plus réduite.
Comment mesure-t-on le poids de Twitter dans une campagne ?
Je le fais d’un point de vue qualitatif. C’est assez spectaculaire de voir comment les argumentations qui se déploient sur Twitter se retrouvent ensuite dans l’espace collectif classique. Quand un lien nous explique qu’avec l’affaire des 75 % (1) ce ne sont pas 3 200 ménages qui seront concernés mais 5 000, le politique ira chercher l’information qu’il ne possédait pas jusque-là. Ce côté « crowd sourcing » (2) se montre très efficace.
A titre personnel, vous passez combien de temps sur Twitter ?
J’y vais plusieurs fois par jour, neuf fois sur dix par mon iPhone. Dès que je suis dans les transports, à la caisse d’un magasin ou dans la rue quand j’attends quelqu’un. Ces moments changent la vie parce qu’avant, on avait le nez en l’air et on pensait à des choses, ou à rien. C’était pas mal, cela dit.
Propos recueillis par Geoffrey Le Guilcher
1. Projet du candidat Hollande visant à imposer à hauteur de 75 % les revenus supérieurs au million d’euros annuel
2. Intelligence et créativité découlant du nombre
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