“Un sale bonhomme. Oui, une sale personne. Un monstre en somme…” Comment le jeune homme yé-yé qui chantait ce refrain cadencé dans sa vingtaine aurait pu imaginer que cinquante ans plus tard la description de ce sale bonhomme ressemblerait trait pour trait à l’image que brosse son biopic officiel, validé par ses deux fils ? […]
“Un sale bonhomme. Oui, une sale personne. Un monstre en somme…” Comment le jeune homme yé-yé qui chantait ce refrain cadencé dans sa vingtaine aurait pu imaginer que cinquante ans plus tard la description de ce sale bonhomme ressemblerait trait pour trait à l’image que brosse son biopic officiel, validé par ses deux fils ? A en croire Cloclo, Claude François n’était pas facile à vivre : obsessionnel, compulsif, maniaque…
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C’est désormais la nouvelle donne du biopic : chercher le monstre. Soit on part du monstre – J. Edgar Hoover, Margaret Thatcher, deux tyrans à leur façon – et on fouille de son enfance à sa vieillesse pour détecter le point de faiblesse qui le rendrait attachant et humain ; soit on part de l’idole populaire – Edith Piaf, Claude François – et on gratte pour en révéler la part la plus mortifère et autodestructrice. L’essentiel est qu’il y ait de la maladie – toxicomanie, Alzheimer – et de la grosse névrose – sexualité refoulée, trouble obsessionnel.
Le biopic moderne vise moins le récit d’une vie que le portrait d’une pathologie. Chaque film est un diagnostic. Le mal a toujours une racine. Rigidement freudien, le biopic moderne se plaît à localiser l’instant T du trauma. Une fois campée la petite scène primitive, tout le scénario va se charger de la rejouer ad libitum. Cloclo est une machine à reproduire. Son père était un tyran ; il le sera à son tour. Son père était un macho ; lui tout pareil. Son père a fait comme s’il n’existait plus dès qu’il est devenu musicien ; il cache son second enfant à son entourage, etc.
Certes, Cloclo, La Dame de fer, J. Edgar, bientôt My Week with Marilyn, campent toujours des destins d’exception. Mais la légende ne suffit plus. Il faut encore la retourner. Non pas pour affirmer que ces grands hommes et femmes sont comme tout le monde mais, mieux encore, sont plus malades que nous.
Jean-Marc Lalanne
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