Il représentait un cas d’espèce assez unique dans le cinéma français, plus fréquent dans le cinéma américain : le cinéaste guerrier (ou le soldat cinéaste), à l’instar d’un John Ford ou d’un Samuel Fuller auprès desquels on pourrait lui trouver un lointain cousinage. Avant d’empoigner une caméra, Pierre Schoendoerffer a « vécu », au sens où l’entendent […]
Il représentait un cas d’espèce assez unique dans le cinéma français, plus fréquent dans le cinéma américain : le cinéaste guerrier (ou le soldat cinéaste), à l’instar d’un John Ford ou d’un Samuel Fuller auprès desquels on pourrait lui trouver un lointain cousinage.
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Avant d’empoigner une caméra, Pierre Schoendoerffer a « vécu », au sens où l’entendent justement les Américains : on ne parle pas mariage, divorce, emploi dans une banque, mais marine marchande, puis armée, avec l’épisode central du siège de Dien Bien Phu, plus cuisante défaite militaire française depuis Waterloo. Un homme, un vrai, aurait-on dit avant les avancées du féminisme. De son expérience de marin, il avait tiré une adaptation de Pierre Loti, Pêcheurs d’Islande, et surtout Le Crabe tambour.
De ses années indochinoises sont nés des documentaires (La Section Anderson…) et des fictions marquantes : Dien Bien Phu et son chef-d’œuvre, La 317ème section, plus puissant film de guerre du cinéma français. Les bateaux, les chars, tout cela semble fleurer la bonne vieille droite, sentiment renforcé par le physique de Schoendoerffer, mâchoire virile et cheveux court. On aurait pourtant tort de bloquer sur cet aspect des choses.
Outre la qualité de ses films (c’est évidemment le plus important), on appréciait sa discrétion médiatique, son port droit et son air sévère, signes de rectitude. On n’oublie pas non plus que son chef opérateur préféré était celui des premières années Godard, Raoul Coutard (pas un gauchiste non plus), et que l’un de ses acteurs fétiches était le féminin Jacques Perrin, comme chez Demy : de quoi affiner et complexifier une image trop manichéenne. C’est un cinéaste solitaire, n’appartenant à aucune famille, aucun courant, aucune vague – malgré ses années marine(s) – qui vient de disparaitre.
Serge Kaganski
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