L’avant-dernier film mexicain de Luis Buñuel. En complément, le suivant, inachevé, « Simon du désert ».
LE FILM : Tous les membres de la haute bourgeoisie sont invités à une soirée chez l’un d’entre eux, monsieur Nobile. Mauvais présage : tels des rats quittant le navire, les domestiques décident les uns après les autres d’abandonner leur poste. Pire, en fin de soirée, au moment de partir après un pénible dîner où chacun a ressassé les mêmes obsessions, les personnages se rendent compte qu’il leur est psychologiquement impossible de quitter la pièce où ils sont tous réunis. Cet étrange phénomène va durer quatre jours et quatre nuits, virant peu à peu au cauchemar. Le génie de Buñuel, c’est de faire passer des idées bizarres qui, chez tout autre cinéaste, paraîtraient ridicules. Par exemple, dans L’Ange exterminateur, il introduit la même scène à deux reprises dans son montage : le moment où, arrivant à la soirée, les invités se débarrassent de leur manteau. C’est le genre d’idée qui surgit après un troisième Dry Martini, et qu’en général on a oublié le lendemain ou qu’on raie du scénario une fois qu’on a cuvé. Mais chez Buñuel, aucun repentir. Il le fait. Après, on peut interpréter cette scène redoublée de différentes manières, ce que n’ont pas manqué de faire, à juste titre, les exégètes buñueliens : on peut lui trouver un sens politique (l’histoire bégaie, la bourgeoisie se répète, tourne en rond, engoncée dans ses habitudes), burlesque (le comique de répétition absurde) ou poétique (comment troubler les habitudes du spectateur). Ou, encore mieux, les trois. Quant à Buñuel, il se gardait bien de répondre à ce genre de questions. Il avait juste eu une idée, elle l’amusait, il la mettait en oeuvre, en toute liberté. C’est cette obstination mystérieuse à respecter son instinct, son inspiration, les pulsions de son inconscient qui caractérise le mieux le cinéma de Buñuel. Quant à Simon du désert (l’histoire des tentations auxquelles est soumis saint Simon, représentant de la gent assez originale et rare des stylites, ces saints qui vivaient volontairement perchés en haut d’une colonne…), son ultime film tourné au Mexique, il doit sa courte durée au fait qu’il est inachevé, ou plutôt qu’il fut achevé en catastrophe, le robinet du financement ayant été brutalement fermé. A vrai dire, ça ne se voit pas, chose normale, Buñuel ayant toujours su se plier aux contraintes de la production, sans jamais rien lâcher de l’essentiel : sa liberté imaginative.
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LE DVD : Copie médiocre, absence totale de bonus : une piètre édition, mais les films valent vraiment le détour.
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