A la fin des années 30, Matéi, vieux professeur de linguistique roumain (Tim Roth), rajeunit soudain de quarante ans et retrouve l’espoir d’accomplir son grand œuvre – remonter aux sources du langage –, auquel il a sacrifié toute sa vie sans réussir à l’achever. Mais les nazis rôdent… Matéi s’enfuit, rencontre l’amour sous les traits […]
A la fin des années 30, Matéi, vieux professeur de linguistique roumain (Tim Roth), rajeunit soudain de quarante ans et retrouve l’espoir d’accomplir son grand œuvre – remonter aux sources du langage –, auquel il a sacrifié toute sa vie sans réussir à l’achever. Mais les nazis rôdent… Matéi s’enfuit, rencontre l’amour sous les traits d’une femme douée de pouvoirs médiumniques… Mais il se rend compte que ses voyages aux sources du langage la font vieillir prématurément… L’Homme sans âge, malgré ou à cause de ses nombreux défauts, est l’une des œuvres les plus passionnantes, envoûtantes, obsédantes vue ces dernières années. Cette histoire faustienne et rocambolesque (on est souvent à la limite du grotesque) réclame un abandon à la croyance dans le récit qui ne va pas de soi pour un spectateur adulte. Le film est à la fois de son temps, prophétique et passéiste. L’exemple le plus banal et significatif de son intemporalité temporelle étant exprimé dans le contraste entre le numérique HD et le graphisme désuet des génériques. Cette confusion entre le passé, le présent et le futur est au cœur du film, comme au centre de l’œuvre de Coppola et de la nouvelle de Mircea Eliade dont il est tiré. Dans la forme, les quelques outrances stylistiques du film (plans la tête en bas, montres molles) étaient déjà dans les ralentis extatiques d’Apocalypse Now, les grands angles de Rusty James. L’Homme sans âge porte ainsi toutes les traces des autres Coppola, jusqu’aux voix chuchotées, aux clairs-obscurs. L’idée romantique de la remontée aux origines était déjà contenue dans la remontée du fleuve d’Apocalypse Now, et la belle œuvre mélodique et lyrique composée par Osvaldo Golijov est fille des musiques de Nino Rota. Le rêve fou du cinéaste à ses débuts de saper le vieil Hollywood et de le refonder s’est toujours accompagné d’une crainte forte, d’un fantasme vampirique : que son ambition puisse porter atteinte à ceux qu’il aime et qui lui donnent sa force. Le Parrain, c’est ça : comment mener de front sa destinée en essayant de ne pas porter préjudice à sa famille, et comment ne pas y arriver (la trilogie se termine par la mort de la fille du Parrain, interprétée par Sofia Coppola). Voilà sans doute la raison pour laquelle l’une des plus belles et déchirantes scènes du film est celle où Matéi pleure en annonçant à la femme qu’il aime qu’elle mourra s’il ne la quitte pas. Quand à la fusion des temps, elle s’incarne dans ce moment où Matéi, de retour en Roumanie en 1969, retrouve ses amis de jeunesse, qui eux sont demeurés en 1938 ! Alors Matéi vieillit d’un coup. Dans cette scène borgésienne se trouvent résumés le film, le cinéma de Coppola, le cinéma peut-être : tous les temps (con)fondus, l’éternité (re)trouvée. Magnifique.
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