Loin de toute nostalgie, un étonnant aller-retour entre la Commune de 1871 et le Paris de 1999. En forme d’assemblée générale, une œuvre essentielle sur la naissance de la politique.
Etre une journaliste optimiste et engagée pour la télévision communarde au printemps 1871 à Paris… “C’est pas facile”, explique Blanche Capelier, au tout début de La Commune. C’est la comédienne Aurélia Petit qui s’exprime pendant que s’achève le tournage, mais c’est aussi son personnage d’alors, bouleversé par les milliers de morts de la Semaine sanglante.
Tout le film de Peter Watkins repose sur ce passionnant dispositif d’aller-retour entre l’utopie d’hier et les espoirs de maintenant, les dates clés de l’insurrection parisienne et l’actualité contemporaine (le film a été tourné en 1999), les ennemis de l’époque (Prussiens, versaillais) et la mondialisation sans visage des années 2000. Ainsi, en pleine scène de bataille autour des barricades, jouée par les comédiens en costumes, les journalistes de la télé indépendante interrogent les insurgés : “Et aujourd’hui, feriez-vous la même chose ?” Hésitations des acteurs interpellés : “Euh… aujourd’hui, aujourd’hui ?” Oui, aujourd’hui, en 1999, cela ferait-il sens de prendre la rue ? Et c’est toute une séquence de réflexion à voix haute sur la révolution qui s’engage.
Autre exemple, dans un café, des ouvrières du quartier Popincourt créent un groupe féministe. L’occasion d’un long échange sur le travail, l’aliénation, les discriminations, le chômage, la reconnaissance… L’air de rien, la discussion a glissé du temps de la reconstitution historique vers celui de la réunion d’intermittents et de demandeurs d’emploi. Sans oublier, parmi les plus belles scènes du film, les prises de parole de soldats venus d’Algérie intégrer la Garde nationale parisienne, joués par des sans-papiers de Montreuil, travailleurs de l’ombre de la fin des années 90, héritiers de ces combattants invisibles que furent les communards colonisés, largement oubliés de la mémoire populaire. A l’écran, on reconnaît d’ailleurs acteurs des mouvements sociaux de ces dernières années et habitués des manifestations. Un film “AG”, comme assemblée générale, en quelque sorte. La version initiale de La Commune durait 5 h 45 ; celle-ci, spécialement montée pour sortir en salle, n’en fait plus que 3 h 30. Il en résulte une œuvre au rythme étrange, rapide – quasiment saccadé – au début et, du coup, plutôt abstraite, étrange et assez fulgurante, puis retrouvant peu à peu son ampleur originelle. La beauté formelle des portraits de groupe et des scènes d’adresse directe au public évacue le pathétique au profit d’une sobre solennité. A l’opposé de la nostalgie mortifère entretenue autour des mythologies révolutionnaires, un film essentiel sur la naissance de la politique.
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