Qui, en Angleterre, vient de fêter glorieusement ses soixante-dix ans sur le trône ?
En Angleterre, elle est une institution absolue, que trois millions de dévots écoutent religieusement dès qu’elle prend l’antenne de la BBC. Elle a fréquenté les plus grands de ce monde, obtenu des confidences rares de ministres et d’artistes, qui lui parlent avec déférence et, surtout, sans la moindre langue de bois.
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Du haut de son trône depuis exactement soixante-dix ans, elle s’est lentement incrustée dans l’âme anglaise, parlant à ses compatriotes avec une voix rassurante. Une pause respiratoire dans la cavale de la modernité, vestige d’un monde où la parole n’était pas interrompue, où l’on pouvait s’exprimer en longueur et en profondeur sans être catalogué “preneur de tête” ou “traîne-la-mort”.
Elle est d’une autre époque, et une fois par semaine, en de mornes dimanches, on claque la porte au XXIe siècle pour une audience avec cette vieille dame d’une dignité et d’un ton surannés. On ne parle pas de la reine Elisabeth II mais d’une émission de radio de la BBC, diffusée sur Radio 4 et en podcasts malheureusement castrés de musique. Car la musique – et l’art au sens le plus large – est centrale, vitale dans cette vénérable institution que reste Desert Island Discs.
Le principe est simple : chaque invité commente ses disques, livres ou objets favoris. Et là où le discours de ces politiciens, acteurs ou écrivains est le plus souvent rodé, scripté, les marottes choisies et revendiquées les poussent littéralement à l’écart de langage. En parlant de musique, de son rapport personnel à l’œuvre, l’invité s’abandonne à la confession, à l’incontrôlé.
L’auteur J.K. Rowling devisant sur les Smiths, Brian Eno sur le Velvet Underground ou l’acteur Terence Stamp se souvenant de Jeff Buckley deviennent ainsi des moments d’intimité privilégiés, une longue pause en suspension dans le bavardage promotionnel. Une émission à emporter sur une île déserte.
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