Un film à psychologie moyenne, moyennement réussi.
Il y a quelques mois, on parlait dans ces pages du film “plus petit que la vie”, dont la vogue faisait les beaux jours du cinéma français. Là, c’est une variante du genre qui est proposée : le film à “psychologie moyenne”. Soit une vague structure romanesque (la liaison impromptue entre un homme et une femme) qui reste velléitaire faute d’audace fictionnelle ; des scènes de confession maladroitement amenées (Anne Le Ny à Vincent Lindon : “Tu veux parler ?”) ; le double intérêt, faussement contrasté et redondant dans sa rudimentarité, pour des personnages taiseux et des personnages qui “verbalisent” ; l’obsession de la représentativité (ces personnages, ce sont vous et moi) logée ici dans le soubassement sociologique de chaque situation psychologique et dans cette “petite musique de la vie” qui résonne comme un commentaire permanent des scènes et qui parle à tout un chacun. Et surtout, le souci de la nuance qui est le scrupule majeur de nos observateurs de la condition humaine. La nuance selon le film à “psychologie moyenne”, ce n’est pas l’attention aux minimes vibrations contradictoires qui constituent un être humain et qui empêchent d’en dresser un portrait figé, c’est juste une manière mollement généreuse de vouloir traiter et aimer à égalité les personnages en les dotant d’un capital équilibré en défauts et en qualités, c’est juste une manière de corriger constamment le tir en alternant mécaniquement moments de joie et moments de tristesse, histoire de donner de la variété à tout ça. Et cette obsession de la nuance s’accompagne souvent de pointes de trivialité pour prouver que même tristes (ou gais), on fait preuve de sagesse en n’oubliant pas la dimension concrète de l’existence. Ici, Emmanuelle Devos dit à Vincent Lindon, après qu’ils ont couché ensemble, et après avoir pleuré un peu sur cette trahison de leurs conjoints respectifs : “Tu vas pas me dire que ça t’a pas fait du bien de tirer un coup ?” La nuance et le bon sens associés, fausse délicatesse et vraie grossièreté, duo hypocrite qui veut le beurre et l’argent du beurre. De retour de la projection, on lit Les Carnets de Fitzgerald dans le métro, tandis qu’un petit garçon pointe sur nous, avec l’insolence belliqueuse de l’enfance, un parapluie au bout pointu. Et d’un coup, un paragraphe saute aux yeux et apparaît comme le programme idéal du film à psychologie haute : “Deux personnes s’en vont – et elles l’emportent avec elles. Le silence se fait – personne ne connaît les répliques. Silence et essayer de ne pas deviner derrière le silence – imiter comme c’était avant, et plus de silence encore – et les rides profondes dans le cœur.”