Le festival de courts métrages de Vila do Condé, au Portugal, a vidé les plages. Et quelques perles ont trouvé le juste équilibre entre distance et croyance dans le récit.
Il faut avoir un coeur de cinéphile bien accroché pour résister au charme estival de Vila do Condé. Pourtant, chaque année depuis quinze ans, cette petite ville balnéaire du nord du Portugal fait le pari de vider les plages environnantes de leur population pour les attirer dans les salles obscures du centre-ville où sont projetés des courts métrages venus du monde entier. Les plus réticents ont de quoi ne pas le regretter : outre les sélections portugaise et internationale, le festival offrait cette année une large palette de projections parallèles, parmi lesquelles une demi-douzaine de courts métrages de David Lynch (dont l’hilarant The Cowboy and the Frenchman, réalisé en 1988 sur une commande de Daniel Toscan du Plantier), ou encore les documentaires de Peter Whitehead, cinéaste de la contre-culture et spectateur assidu des concerts des Stones, Pink Floyd et Led Zeppelin, dont les films un peu foutraques (présentés l’hiver dernier à la Cinémathèque française) constituent un émouvant témoignage. Les velléités d’aller piquer une tête dans l’Atlantique se sont fait sentir pendant les projections des films portugais, qu’on a été surpris de découvrir le plus souvent enferrés dans des logiques de pure expérimentation sur les images et sur le son, sans aucune charge émotionnelle. Le prix est allé, ironie du sort, à l’un des seuls films à “sujet” (Europa 2007 de Pedro Caldas, charge tout en clair-obscur contre la traite des prostituées et dont la stylisation s’apparente à du Nicolas Klotz en moins bien), négligeant le beau China China de João Pedro Rodrigues, qui filme le déterminisme culturel avec la même énergie flamboyante qu’on retrouve dans ses deux superbes longs métrages O Fantasma et Odete. De la même manière que Rapace, premier court insolite et providentiel du jeune Portugais João Nicolau, s’est imposé haut la main l’an passé, on s’est laissé surprendre cette année par deux films (sans compter Le Litre de lait de Luc Moullet, renversant de sens de l’absurde et de cocasserie) proches par leurs thèmes et l’ambition du projet qu’ils renferment. A l’inverse de tout un pan du “jeune” cinéma qui se laisse déborder par la tentation de l’expérimental (plus d’histoire, plus de dialogue, plus de personnage), accouchant de petites machines cinématographiques desséchées, Entracte (de Yann Gonzalez) et Compilation, 12 instants d’amour non partagé (de Frank Beauvais, prix de la Fiction) incarnent deux magnifiques points de rencontre entre la contemporanéité de la forme et un certain héritage classique, entre distance et croyance dans le récit (disparition du récit traditionnel en faveur d’une prolifération des récits projectifs), entre figure et personnage. A la surface de l’apparente froideur de ce qui ressemble plus à un dispositif qu’à une véritable mise en scène (deux garçons et une fille adossés à un mur pour Yann Gonzalez, douze séquences d’un garçon écoutant à chaque fois une chanson différente chez Frank Beauvais), affleurent des trésors de sensibilité, de sentimentalité, et d’érotisme. Dans ce mouvement qui va de l’abstraction à l’incarnation, il y a l’adoration de la jeunesse, le deuil amoureux, et la musique comme vecteur de vie. Après ça, on peut bien aller étancher sa soif à grandes lampées de caipirinha (la meilleure du monde) toute la nuit.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}