Massacre à l’italienne
Deux perles répêchées
dans les marais sanglants
du gore italien seventies.
LES FILMS Dans la jungle du cinéma populaire
italien, une poignée de films parviennent
à s’extraire de l’anonymat, parfois grâce à
leurs qualités exceptionnelles, souvent grâce
à leur singularité au sein d’un système
de production très opportuniste. Les
deux perles du cinéma bis exhumées
par Neo Publishing bénéficient de
l’aura réservée aux films malsains et
vénéneux, et dépassent par leurs excès,
non seulement les frontières du
bon goût, mais aussi celles des films de
genre italiens routiniers. Beatrice Cenci
(1969) est l’adaptation méconnue d’une
affaire criminelle du XVIe siècle qui
inspira à Stendhal une de ses chroniques
italiennes et fut déjà portée plusieurs
fois à l’écran.
Le film de Fulci, très anachronique,
survient en pleine vague du western
italien ; il en adopte les tics visuels, alliés
à un style expressionniste dégradé.
Le cinéaste assouvit ses pulsions sadiques en
insistant sur les scènes de torture. Cette histoire
cruelle mêlant inceste et parricide offre
l’occasion à Fulci, qui deviendra quelques années
plus tard le spécialiste du gore transalpin,
de réaliser son chef-d’oeuvre maudit.
Le producteur du Dernier Train de la nuit (1975)
n’avait pas d’autre ambition que de plagier La
Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven
(1972), en exploitant les motifs de la violence
gratuite et de l’autodéfense. Deux adolescentes
de bonne famille sont sauvagement
agressées dans un train par des voyous manipulés
par une voyageuse perverse interprétée
par Macha Méril. Le film s’organise tel un rituel
baroque qui transforme un fait divers sordide
en spirale cauchemardesque. Sans détourner
la commande initiale, le cinéaste Aldo
Lado réussit un film nihiliste et profondément
dérangeant sur les hasards catastrophiques
et la contamination du mal, qui piège le spectateur
dans ses réflexes voyeuristes tout en
proposant une allégorie sur le fascisme pas si
éloignée des oeuvres plus cérébrales et
respectables d’un Michael Haneke.
LES DVD L’éditeur Neo Publishing
propose ces deux films rares pour la
première fois dans leurs versions italiennes
restaurées et intégrales, en en
restituant les titres originaux. Beatrice
Cenci connut en effet une distribution
française confidentielle, amputé de
scènes importantes, sous le titre Liens
d’amour et de sang. Le film de Lado subit
la même avanie, rebaptisé de manière
farfelue La bête tue de sang-froid.
Le Dernier Train de la nuit est doté d’un
commentaire audio d’Aldo Lado ainsi
que d’entretiens avec le cinéaste et
Macha Méril. Le DVD de Beatrice
Cenci propose en supplément un entretien
radiophonique et un autre filmé de Lucio
Fulci réalisés peu de temps avant la mort
du cinéaste. Ce dernier, handicapé et affaibli
par la maladie, mais toujours vociférant et lucide,
ne se montre guère avare en souvenirs
et en impressions désenchantées sur sa
longue carrière dédiée aussi bien à la comédie
qu’à l’horreur, lui qui fut longtemps voué aux
gémonies avant une relative réhabilitation
posthume.
BEATRICE CENCI de Lucio Fulci (1969) ;
LE DERNIER TRAIN DE LA NUIT d’Aldo Lado (1975),
Neo Publishing, 25 Û et 20 Û.