Le collectif AClefeu (Association collectif liberté, égalité, fraternité, ensemble, unis), né au lendemain des révoltes urbaines de l’automne 2005, a investi l’hôtel particulier Chalon-Luxembourg, dans le IVe arrondissement de Paris, pour y établir un Ministère de la crise des banlieues et interpeller les candidats à l’élection présidentielle.
“Comme les candidats ne viennent pas vers nous, c’est nous qui allons vers eux.” C’est pour les recevoir et engager le dialogue que les militants du collectif AClefeu ont décidé de fonder leur propre ministère, en plein coeur du quartier du Marais, dans un hôtel particulier à l’abandon, classé monument historique depuis 1977. Tout un symbole. “On a repéré l’endroit, on trouvait que ça ressemblait à un vrai ministère !”, s’amuse Audrey, une militante.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Les membres du collectif qui vise à faire entendre la parole des habitants des quartiers populaires ont annoncé qu’ils resteraient 48h sur place. Sans exclure de rester plus s’il le faut, “pour laisser le temps” aux candidats qui souhaiteraient les rencontrer.
“On espère que quelqu’un viendra nous voir”
Une trentaine de militants ont donc investi pacifiquement les lieux au petit matin. Pas d’opération coup de poing, mais une occupation symbolique, menée en accord avec la Mairie de Paris. “On n’est pas venu faire du forcing”, insiste Mohamed Mechmache, le président d’AClefeu. “C’est une action avant tout symbolique. Les politiques ont du mal à venir en banlieue, on veut leur faciliter la démarche.” Les militants pèsent toute l’ironie de la situation. “Normalement, ce n’était pas à nous de faire ça. C’est les politiques qui auraient dû nous inscrire dans leurs programmes ”, insiste Mohamed Mechmache.
C’est en partant du constat que “les territoires les plus démunis, les banlieues, n’ont pas été pris en compte ni n’apparaissent clairement” dans les propositions et programmes des différents candidats à l’élection présidentielle, que le collectif a décidé d’agir. “Il y a des problèmes spécifiques, qu’il faut prendre en compte”, souligne Medhi Bigaderne, chargé de la communication d’AClefeu.
“On parle de vrais territoires fragilisés, avec un accès plus difficile aux soins ou à la culture, un enclavement qui empêche d’aller vers d’autres horizons … Ce sont des exemples tout simple. il y a de vraies spécificités dans ces territoires ”, poursuit-il. “Il faut que cette jeunesse, qui est l’avenir de la France, soit une priorité.”
“Il faut arrêter de toujours parler de la banlieue sous un angle sécuritaire. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de solutions à la hauteur des problèmes. Nous on est là pour la promotion de la citoyenneté : si les jeunes ne votent pas, c’est parce qu’on ne s’intéresse pas à eux. Et quand les gens commencent à s’abstenir, ça devient dangereux”, souligne Mohamed Mechmache.
Le collectif, qui réclame “l’équité face au droit commun” pour les habitants des banlieues, a rédigé un ensemble de propositions à l’usage des candidats, axées autour de grands thèmes tels que l’emploi, le logement, l’éducation, ou encore la santé.
Premiers soutiens politiques
Le collectif a reçu dans l’après midi la visite du maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui “a souhaité rendre possible (…) cette initiative citoyenne destinée à sensibiliser les candidats à l’élection présidentielle sur la situation des quartiers populaires », selon un communiqué publié sur le site de la ville. Les militants ont également pu échanger avec Dominique Bertinotti, la maire du IVe arrondissement, qui a insisté sur “le sérieux” de l’opération.
“Nous comptons leur apporter notre soutien logistique s’ils souhaitent rester plus longtemps”, indique son cabinet. “Nous sommes ravis de cette initiative, le sujet est très pertinent, et c’est une bonne chose que ce lieu serve de tribune d’expression.”
Dans l’hôtel de Chalon-Luxembourg, le Ministère de la crise des banlieues s’organise dans l’effervescence. Les représentants associatifs, les militants (Droit de cités, Stop le contrôle au faciès, Forum social des quartiers populaires, Mouvement de l’immigration et des banlieues entre autres) défilent, échangent et débattent. En attendant de soumettre leurs propositions aux candidats, les militants d’AClefeu prennent une pause au soleil. Le temps parfait pour une occupation. “La chance est avec nous”, sourit Mohamed Mechmache.
Liza Fabbian
{"type":"Banniere-Basse"}