Le Dahlia noir de Brian De Palma
a étouffé la concurrence au
FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN.
Comme chaque automne, le Festival du
cinéma américain de Deauville a une
nouvelle fois hésité entre grosses productions
et cinéma “indépendantî,
même s’il faut bien avouer que les
écarts sont de moins en moins perceptibles.
En l’absence de véritables blockbusters présentés
en avant-première, on a pu ainsi assister
à un revival en demi-teinte du cinéma des
années 70 avec un trio historique composé de
Sydney Lumet (Jugez-moi coupable), Sidney
Pollack (Esquisses de Frank Gehry) et Robert
Altman (The Last Show). Sommet de dépression
douce, ce “dernier showî d’Altman
met en scène l’ultime représentation live
d’une émission radiophonique. Mais cette
forme de mélancolie est déjà si fortement datée
que le réalisateur lui-même ne semble y
croire qu’à moitié.
Pour échapper au spleen seventies, on pouvait
toujours se plonger dans la compétition
officielle. Hélas, dans le cinéma indépendant
américain, la situation n’est pas non plus des
plus exaltante. La plupart des films sont en
effet ici plombés par des scénarios surécrits
tournant autour d’un lot assez restreint de
personnages et de situations “version 2006î
: cela donnait dans le meilleur des cas “un
professeur blanc toxicomane enseignant dans
une école publique remplie d’enfants noirsî
(Half Nelson de Ryan Fleck) ou
“une Blanche toxicomane travaillant,
à sa sortie de prison, dans
une garderie pour enfants noirsî
(Sherrybaby de Laurie Collyer,
avec Maggie Gyllenhaal).
Si l’on excepte le nouveau film de
Michael Cuesta (12 and Holding),
la meilleure découverte est venue
d’une comédie décalée, sorte de
pendant féminin de 40 ans, toujours
puceau. The Oh in Ohio de Billy Kent retrace,
en effet, les mésaventures d’une femme
de 40 ans qui décide d’en finir avec sa frigidité.
Comme dans 40 ans…, le film se caractérise
par le déplacement d’une intrigue de teenmovie
dans un film pour adultes. Les personnages
principaux étant trop âgés pour prendre
leurs problèmes sexuels à la légère, on y retrouve
le même mélange étrange de gags potaches
et de scènes plus dramatiques. Avec
Parker Posey et Danny De Vito, The Oh in Ohio
se détachait aussi par un progressisme bienvenu
dans une compétition oscillant plutôt
entre cynisme (Thank You for Smoking) et
familialisme (Little Miss Sunshine).
Mais si Deauville paraissait un peu fade cette
année, c’est peut-être que le festival avait été
plié dès le premier week-end lors de la projection
du Dahlia noir de De Palma. Respectant
à la lettre le livre d’Ellroy, le réalisateur
arrive, en effet, à en pervertir la logique.
Alors que le romancier s’acharnait, au fil des
pages, à déconstruire l’image dorée de Hollywood,
le cinéaste reprend et renverse à la fois
le réquisitoire en quelques incroyables morceaux
de bravoure. Trahison, corruption,
prostitution, rien de tout cela ne paraît entamer
le goût de De Palma pour les images.
Rappel essentiel mais pas vraiment suivi par
la suite : le cinéma américain ne serait qu’une
bête machine idéologique sans ses virtuoses
impénitents.
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