Hommage à John Ford au Festival de La Rochelle. L’occasion de redécouvrir un maître adulé, mais pas toujours bien connu.
Vingt-cinq films inédits ou en avant-première, la découverte de cinéastes iraniennes, des rétrospectives de John Ford, Delphine Seyrig et Jean- Paul Rappeneau, un alléchant thème “cinéma muet et érotisme”, tels sont quelques-uns des grands axes de La Rochelle 2007 (lire “Séances spéciales” ci-contre). Dans ce copieux menu, nous avons choisi de mettre l’accent sur la petite rétrospective John Ford, cinéaste aujourd’hui peut-être plus célèbre que vu. Car si le nom de Ford est quasiment synonyme du mot cinéma, il a réalisé son ultime film en 1966, c’est-à-dire il y a plusieurs siècles au train d’enfer où évoluent les choses, et on n’a pas l’impression que son œuvre profuse parle beaucoup aux moins de 40 ans. Mais comment résumer un tel monument et une telle filmo, en quelques feuillets ? D’abord dire que son cinéma correspond effectivement aux idées auxquelles on le réduit souvent : des westerns, les grands espaces, la splendeur minérale de Monument Valley, des cavalcades, le grand récit mythologique de l’instauration de la civilisation wasp dans cette immense terre sauvage que fut l’Amérique de la conquête de l’Ouest. Préciser dans un second temps que les films de Ford contredisent aussi souvent ces clichés. Des chevauchées, de l’action ? Il n’y en a pas toujours tant que ça, John Ford était plutôt du genre contemplatif, et les titres français de certains de ses films comme La Chevauchée fantastique, La Charge héroïque ou La Poursuite infernale sont en grande partie mensongers. Ford cinéaste de droite ? Plutôt un homme attaché aux valeurs de la démocratie et aux principes fondateurs institués par la Constitution américaine. Un cinéaste qui a aussi filmé les Indiens avec respect, voire empathie, et pas seulement dans les œuvres tardives comme Les Cheyennes. Ford mythifie l’histoire de l’Amérique ? Peut-être, mais nombre de ses films la critiquent aussi, en dévoilent les erreurs, les aspects sombres. Ford cinéaste classique, viril, patriarcal ? Sans doute, mais Frontière chinoise est un parangon de cinéma moderne et féminin. N’oublions pas non plus tous les fertiles pans de cinéma irrigués par la source fordienne : le baroque Welles, les néoclassiques Eastwood et Cimino, les maniéristes italiens avec Leone à leur tête, les modernes français Pialat, Moullet, Straub. On ne pourra pas voir tout Ford à La Rochelle (dix jours, même non-stop, n’y suffisent pas), et il manquera quelques pièces importantes (Le Mouchard, Le Massacre de Fort-Apache, Les Deux Cavaliers, Les Cheyennes), mais la sélection rochelaise balaiera la période muette, les années 30 à redécouvrir, et la plupart des grands classiques des années 40, 50, jusqu’au sublime Frontière chinoise. Au spectateur contemporain parfois soûlé et pris de vitesse par le zapping des nouvelles images et des multiples écrans, le cinéma de Ford peut réapprendre la lenteur, la patience, le positionnement du regard, une certaine façon de respirer et d’être au monde.