Seven Swords de Tsui Hark Même amputé, le dernier film de Tsui Hark est une somptueuse fresque guerrière, d’une folle inventivité formelle.
LE FILM Déserts de glaces et immensités rocailleuses du Xinjiang à perte de vue. C’est dans l’aridité élémentaire de ces décors que Tsui Hark partit il y a deux ans faire avec Seven Swords table rase de ses récentes faillites – artistiques (Black Mask 2), commerciales (l’éblouissant Time and Tide) et touristiques (l’étrange et beau diptyque hollywoodien Double Team/Piège à Hong-Kong, parfait traité théorique en deux volumes d’esthétique déterritorialisée). Pour s’y mettre en danger, ressusciter en milieu hostile, et renouer avec quelques fondamentaux un temps égarés de son art souverain ; une terre (la Chine), un genre (le wu xia pian, soit le roman chevaleresque), un matériau à forger (les éléments bruts, qui constituaient déjà la chair de The Blade). Amputé par obligation contractuelle – Tsui Hark devait livrer un montage de deux heures et demi bien que son récit tienne sur quatre heures –, le film qui résulte de cette entreprise aventureuse est une splendeur inracontable, un de ces chefs-d’œuvre estropiés dont la somptuosité et l’inventivité de chaque plan, chaque raccord, chaque geste de la mise en scène nous dit qu’au fond, rien de l’intense fourmillement d’intrigues primordiales et secondaires émiettées par le montage n’importe véritablement. Qu’il y soit vaguement question de sept guerriers munis d’autant de sabres aux vertus prodigieuses et opposés à une armée d’assassins impériaux relève du détail. Récit, constructions spatiale, temporelle et chromatique… D’une intelligence et une élégance sans attache, le style de Tsui Hark emporte tout. LE DVD Les propos tenus par Tsui Hark lors de la sortie du film demeuraient suffisamment équivoques pour que l’on espère voir poindre un jour son director’s cut en DVD. Or, déception, seule la version cinéma – délestée donc d’une heure et demi – figure sur les deux éditions qui paraissent aujourd’hui en France, quelques mois après un DVD hong-kongais à cet égard tout aussi insatisfaisant. Outre une présentation complaisante du film par Jean-Pierre Dionnet, l’édition la plus simple comporte pour seul supplément un entretien au fil duquel Tsui Hark évoque sa rencontre avec le roman où il puisa la moelle narrative de Seven Swords, l’inconfort extrême des conditions de tournage et son travail sur la couleur. A ce bonus unique mais assez dense, l’édition collector adjoint un second disque très fourni dont le principal attrait réside dans le “Journal du tournageî, lequel traverse les étapes essentielles de la production, donnant ainsi à voir tout à la fois les splendides décors vierges du désert du Xinjiang, l’élaboration des scènes de sabres et l’art d’un cinéaste de génie au travail. Enfin, on pourra également s’attarder sur l’imposante interview des acteurs du film. Du babil promotionnel attendu saillent ici et là quelques commentaires passionnants sur les méthodes de Tsui Hark, et surtout la parole émouvante du vieux Lau Kar-leung qui, trente ans après sa carrière au sein du studio Shaw Brothers, demeure le plus grand chorégraphe et maître d’armes qu’ait connu le cinéma de Hong-Kong. J. Ge. SEVEN SWORDS de Tsui Hark, avec Donnie Yen, Leon Lai, Lau Kar Leung… (Pathé/Asian Star, 2005, 2h27, édition simple 20 €, édition collector environ 25 €) enfin