HENRI-FRANÇOIS IMBERT
SUR LA PLAGE DE BELFAST (1996) ; DOULAYE, UNE SAISON DES PLUIES (1999) ; NO PASARAN, ALBUM SOUVENIR (2003)
(Editions Montparnasse, environ 19 e)
En trois films et autant de micro-enquêtes révélant des pans d’histoire personnelle ou collective, Henri-François Imbert nous tient en haleine et nous subjugue.
LES FILMS : Les trois films réalisés à ce jour par Henri-François Imbert, trois films courts (entre 40 et 80 minutes), forment un tout cohérent, une œuvre passionnante, intelligente, personnelle et universelle à la fois. Henri-François Imbert fait du cinéma quasiment seul, avec pas grand-chose, sans en avoir l’air, des documentaires très particuliers, commentés de sa voix à peine audible qui n’a pas l’air de vouloir en imposer mais qui s’infiltre patiemment en vous pour vous envoûter, vous obliger à l’écouter. Il crée de petits suspenses, des McGuffin, des enquêtes infimes et réalistes qui attirent, retiennent votre attention et provoquent votre sensibilité. Ces enquêtes l’amènent à filmer le pays, les gens qu’il rencontre.
Tout naît à chaque fois d’une image. Le point de départ de Sur la plage de Belfast est une cartouche de pellicule super-8 qu’une amie d’Imbert a trouvée dans une caméra achetée au fin fond de l’Irlande. Imbert la fait développer, il y découvre des images d’une famille sur une plage, décide de la retrouver et part en Irlande du Nord. Il finira par y trouver ce qu’on ne voit justement pas sur les images : une région sinistrée par la guerre, et une absence, celle de l’homme qui les a filmées.
Dans Doulaye, une saison des pluies, c’est une image de son enfance, sans trace photographique ou cinématographique, celle d’un grand Noir souriant, qui fait naître son désir de partir retrouver au Mali un ami de jeunesse du père d’Imbert, qui n’a donné aucune nouvelle depuis vingt ans. Imbert découvre l’Afrique, la chasse, la vie qui passe, les traces de l’amitié qui ne disparaissent pas tout à fait.
Dans No Pasarán, Imbert enquête une fois de plus, en partant de cartes postales trouvées chez ses grands-parents. Il découvre peu à peu le sort réservé aux réfugiés républicains espagnols par la France à la fin de la guerre d’Espagne. C’est l’image de son pays, de sa région d’origine (Argelès), de ses ancêtres, de ces plages où il s’amusait enfant qui s’en trouve modifiée. Passé et présent se confondent (le passé ne passe jamais, il reste toujours en travers du temps), comme dans les romans de Modiano. No Pasarán est un adieu à l’enfance, à l’ignorance, à l’innocence, comme le sont à leur manière Belfast et Doulaye.
Chaque film est une quête initiatique, qui ouvre un peu plus le regard d’Imbert sur le monde, sur sa vérité. Sa générosité réside dans le fait qu’il parvient à nous faire partager cette ouverture sur le monde. Le cinéma d’Imbert nous fait mûrir, psychologiquement, politiquement, et c’est en cela qu’il est rare et précieux.
LE DVD : Aucun bonus, c’est normal. Qu’y aurait-il à ajouter à des films qui sont déjà en eux-mêmes des documentaires d’eux-mêmes, de leur propre histoire, de leur tournage ?
Jean-Baptiste Morain
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