AALTRA DE BENOIT DELÉPINE ET GUSTAVE KERVERN
avec Benoît Delépine et Gustav Kervern
Excellente surprise : le retour de Benoît Delépine au cinéma dans un road-movie bête, méchant, hilarant et poétique placé sous le parrainage d’Aki Kaurismäki.
Groland (Benoît Delépine & Gustave Kervern) rencontre Mr Manatane (Benoît Poelvoorde, Noël Godin, et le producteur Vincent Tavier) et tous deux atterrissent chez Aki Kaurismäki. Voilà, grosso modo, la trajectoire esthético-géographique de cette comédie cinglante, qui ressemble à un sketch de Groland sous Valium filmé par Antonioni.
Pur raccourci publicitaire de notre part. En réalité, le fin tandem Delépine-Kervern, qui a sagement remisé Michael Kael aux oubliettes pour l’occasion, s’est placé effectivement, manifestement, sous le parrainage esthétique et physique du susnommé Kaurismäki, l’inénarrable pince-sans-rire finnois, qui fait une très belle apparition à la fin du film. Même noir et blanc, en plus granuleux, que chez Aki, même humour à combustion lente, où l’étendue catastrophique ou cocasse d’une situation n’apparaît vraiment qu’en fin de séquence, ou après quelques plans. Cela a pour effet de diluer l’humour, de le différer, mais aussi de le rendre encore plus paradoxal et percutant.
Car c’est là où le tandem se distingue de ses influences finlandaises. Ce road-movie sur deux hémiplégiques ennemis qui voyagent de conserve dans leurs fauteuils roulants jusqu’en Finlande reste fidèle à l’humour bête et méchant des origines grolandaises des réalisateurs. Il en résulte un film à la fois plastiquement beau, qui donne du temps au temps et de l’espace à l’espace, qui utilise réellement la magie du cinéma pour magnifier ses vilaines petites mesquineries, et qui est vraiment hilarant. Sans conteste la comédie la plus drôle depuis Mary à tout prix des frères Farrelly.
Pourquoi ? Tout simplement parce que Delépine et Kervern prennent le contrepied des stéréotypes politiquement corrects sur les handicapés. Dans Aaltra, l’infirme n’est pas une victime mais un être égoïste et malfaisant, un infâme profiteur. Les valides n’ont pas l’apanage de la méchanceté. Ce simple postulat fournit une foultitude de sketches et de séquences plus réjouissants les uns que les autres, car véritablement mis en scène en jouant sur la durée et l’espace. On donne de l’avance au spectateur, on le laisse voir arriver les gags et les savourer d’avance, ou constater leur conséquence. Après que Delépine a prestement troqué son fauteuil roulant mécanique contre une voiturette électrique stationnant devant un pavillon coquet, on voit arriver lentement une vieille dame décatie et son mari, l’un et l’autre affligés de constater le larcin. Autre scène épatante car elle gagne lentement en intensité : le tandem demande à une innocente famille allemande de leur laisser recharger le fauteuil électrique de Delépine en le branchant à une prise. Ce simple service dégénère en orgie de parasitisme. On ne va pas tout raconter… Mais dites-vous bien qu’on tient les nouveaux Laurel et Hardy.
Vincent Ostria
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